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envié de jeune homme, nous paraît toujours un élan et un bond. Nous ne remarquons pas les préparations graduelles qui nous y conduisent ; nous ne nous souvenons que d’une époque distincte où tous les signes et symptômes ont éclaté au milieu d’une commune effervescence : les bottes à la Wellington, le frac, le col, le duvet sur la lèvre supérieure, les envies de rasoir, les rêveries sur les jeunes demoiselles, et une nouvelle espèce de sentiment poétique.

Je commençai à lire des choses sérieuses, à comprendre ce que je lisais, et à jeter quelques regards inquiets sur l’avenir, avec l’idée vague que j’avais une place à conquérir dans le monde, et qu’on ne peut rien conquérir sans travail persévérant. J’arrivai ainsi à dix-sept ans, et j’étais le premier de ma classe lorsque je reçus les deux lettres que voici :


I
D’Augustin Caxton, esq.
Mon cher fils,

J’ai fait savoir au docteur Herman que vous ne retournerez plus chez lui après les vacances prochaines. Vous êtes d’âge maintenant à songer aux embrassements de notre alma mater[1], et aussi, je pense, assez studieux pour espérer les honneurs qu’elle accorde à ses plus dignes enfants. Vous êtes déjà admis au collège de la Trinité, et je me figure retrouver en vous l’image de ma jeunesse. Je vous vois errer dans ces magnifiques jardins qu’arrosent les méandres du Cam ; et, vous confondant avec moi, je rappelle à ma mémoire les rêves qui me hantaient alors que les carillons des cloches vibraient sur les ondes paisibles. Verum secretumque Μουσεῖον, quam multa dictatis, quam multa invenitis ! Là, dans cet illustre collège, à moins que cette génération n’ait dégénéré, vous vous mesurerez avec de jeunes géants. Vous verrez ceux qui, dans la magistrature, dans l’Église, dans l’État, ou dans les tranquilles cloîtres de la science, sont destinés à devenir les grands hommes de votre époque. Il ne vous est pas défendu d’aspirer à prendre rang parmi eux ; celui qui, dans sa jeunesse, peut

  1. L’université.