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Cependant, sage Austin, et toi, Roland, poète qui n’as jamais écrit un vers, votre œuvre serait restée incomplète sans le concours de la femme. Ma mère donna le dernier fini à celle qu’elle destinait à son fils. Elle lui enseigna ces saintes charités de tous les jours, ces douces vertus domestiques, ces suaves paroles qui apaisent la colère, cette angélique pitié pour les défauts de l’homme le plus grossier, cette patience qui attend son heure, et qui, sans parler des droits de la femme, nous réduit en une servitude invisible qui nous enchante.

Te rappelles-tu, chère Blanche, le beau soir d’été où ces serments que nos regards avaient échangés depuis longtemps s’échappèrent enfin de nos lèvres ?… Viens, ma femme, viens à côté de moi. Tiens, regarde par-dessus mon épaule, lis ce que j’écris… Ah ! tes larmes ont mouillé cette page ! Ce sont des larmes de bonheur, n’est ce pas, Blanche ?… Faut-il ajouter quelque chose encore pour satisfaire la curiosité du monde ?… Non, tu as raison, Blanche ; que pas un mot de plus ne profane la place où ces larmes sont tombées !

 

J’aurais bien voulu conclure ici ; mais hélas ! hélas ! Je ne puis plus associer à nos espérances, de ce côté-ci de la tombe, celui qui devait venir s’asseoir au foyer où sa place est désormais vacante. Le jour du mariage qui mit sa sœur dans mes bras, nous espérions encore le posséder rassasié de gloire et jouissant enfin du bonheur paisible qu’il avait mérité par de longues années d’épreuves et de repentir.

Dans le courant de la première année de mon mariage, et peu de temps après un combat désespéré où Vivian s’était couvert d’une gloire nouvelle, au moment où nous étions le plus exaltés par l’aveugle vanité de l’orgueil humain, arriva la nouvelle fatale. Vivian mourut comme je savais qu’il avait désiré mourir, à la fin d’un jour à jamais mémorable dans les annales de ce merveilleux empire qu’une valeur sans pareille a soumis au sceptre qui régit les îles Britanniques. Il mourut dans les bras de la victoire, et son dernier sourire rencontra le regard du noble chef qui s’arrêta, au milieu du triomphe, devant la victime tombée sur la plage sanglante.

« Une seule faveur, dit le mourant d’une voix défaillante. J’ai un père en Angleterre… lui aussi a été soldat. Mon testament est dans ma tente… je lui donne tout ce que je possède… Il peut l’accepter sans rougir. Cela ne suffit pas. Écri-