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du jour de mon départ pour Compton. Elle était fâchée pour la troisième fois de sa vie ; car elle n’eut aucun compliment à donner à M. Stultz lorsque j’eus changé de veste de chasse contre un habit noir que cet artiste avait déclaré splendide. Elle ne s’occupa aucunement du contenu de mon portemanteau, de l’état de mes gilets blancs et de mes cravates, elle qui soignait si minutieusement toutes ces choses dans les occasions mémorables. Et lorsqu’elle me parla de Blanche, je remarquai dans sa voix une sorte de tendresse plaintive et compatissante. Heureusement le motif en demeura impénétrable pour l’innocente enfant. Blanche ne pouvait voir comment le passé remplissait les urnes de l’avenir à la fontaine de la vie.

Mon père me comprit mieux. Il me serra la main lorsque je montai en voiture et me dit ces paroles de Sénèque : Non tanquam transfuga, sed tanquam explorator. « Non pas comme un transfuge, mais comme un explorateur. »

Il avait bien raison


CHAPITRE VI.

Conformément à l’usage des grandes maisons, je fus, dès mon arrivée à Compton, conduit à ma chambre pour y réparer ma toilette, ou calmer mon esprit dans la solitude. Une heure devait s’écouler encore jusqu’au dîner. Mais j’étais à peine là depuis dix minutes, que la porte s’ouvrit, et Trévanion lui-même (je préfère l’appeler ainsi) parut devant moi. Son accueil fut très-cordial. Il s’assit à côté de moi et se mit à causer avec sa brusque éloquence et son savoir indolent, jusqu’au premier signal de la cloche. Il parla de l’Australie, du système Wakefield, des bestiaux, des livres, de la peine qu’il avait eue à ranger sa bibliothèque, de ses projets d’amélioration et d’embellissement, de son plaisir d’avoir trouvé mon père en si parfaite santé, de sa résolution de le voir souvent, de gré ou de force. Bref il parla de tout, excepté de la politique et de sa carrière passée. Ce silence témoignait de ses chagrins. Mais, indépendamment de l’effet du temps, il paraissait plus fatigué et épuisé par ses