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don, je veux dire lord Ulverstone, vient habiter Compton. On emploie cinquante bras tous les jours à mettre les terres en bon état. Des fourgons, des voitures de roulage, ont dégorgé de leurs flancs tout ce qu’il faut à un grand homme, dans un lieu où il veut manger, boire et dormir : des livres, des vins, des tableaux, des meubles. Je reconnais bien là mon ancien patron : tout ce qu’il fait est fait sérieusement. Je rencontre son intendant, mon ami, qui m’apprend que lord Ulverstone trouve sa résidence favorite près de Londres trop exposée aux interruptions.

Ils sont arrivés, et avec eux les Castleton et toute une société d’hôtes. Le journal du comté est rempli de noms illustres. « Que disait donc lord Ulverstone, qu’il voulait se débarrasser des hôtes importuns ?

— Mon cher Pisistrate, répond mon père, ce qui trouble le plus le repos d’un ministre dans la retraite, ce ne sont pas les visiteurs qui viennent, mais ceux qui ne viennent pas. Dans toute cette foule, il ne voit que les images de Brutus et de Cassius… qui n’y sont pas. Soyez persuadé qu’une retraite si voisine de Londres ne faisait pas assez de bruit. Voyez-vous, un homme d’État qui se retire est comme cette belle carpe : plus ses sauts l’élèvent au-dessus de l’eau, plus, lorsqu’elle retombe au milieu des plantes aquatiques, elle fait rejaillir l’eau autour d’elle… Mais, ajouta M. Caxton d’un ton de repentir, il ne convient pas que nous plaisantions ainsi ; et si je me suis laissé entraîner un moment, c’est uniquement parce que je vois que Trévanion va sans doute découvrir sa véritable vocation. Dès que le beau monde qu’il amène avec lui l’aura laissé seul dans sa bibliothèque, je crois qu’il s’en tiendra à cette vocation. Alors il sera plus heureux qu’il ne l’a été jusqu’ici.

— Et cette vocation, c’est…

— La métaphysique. Il sera tout à fait chez lui lorsqu’il étudiera Berkeley et qu’il en viendra à se demander si le fauteuil du président et les stalles rouges des ministres avaient une existence réelle. Ce sera pour lui une grande consolation de trouver, avec Berkeley, qu’il a été trompé par des fantômes immatériels, sans forme, sans étendue, sans substance. »

Mon père avait raison. Trévanion, esprit toujours inquiet, subtil, pesant la vérité, avait besoin de voir tous les côtés d’une question. Trévanion était plus propre à découvrir l’ori-