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moins irréprochable de notre population est de tous points aussi respectable qu’a pu l’être ce mélange de brigands commandés par Romulus.

Vivian. — Mais n’étaient-ils pas soldats ?… Je parle des premiers Romains.

Pisistrate. — Mon cher cousin, nous sommes en progrès sur ces affreux bandits, puisque nous pouvons avoir des terres, des maisons et des femmes (encore qu’il soit difficile de trouver celles-ci, et il est bon qu’il n’y ait point de Sabines blanches dans le voisinage), sans être réduits à cette vie de soldats qu’ils furent contraints de mener pour exister.

Vivian, après une pause. — J’ai écrit à mon père, et plus longuement au vôtre, exprimant dans la première de ces lettres mes désirs, et cherchant à expliquer dans la seconde les sentiments qui les ont fait naître.

Pisistrate. — Les lettres sont-elles parties ?

Vivian. — Oui.

Pisistrate. — Et vous n’avez pas voulu me les montrer !

Vivian. — Ne me parlez pas de ce ton de reproche. J’ai promis à votre père de lui ouvrir mon cœur toutes les fois qu’il serait agité et inquiet. Et je vous promets maintenant de suivre ses conseils.

Pisistrate, avec tristesse. — Dans cette vie militaire que vous désirez si ardemment, qu’y a-t-il donc qui puisse vous offrir plus d’agitation et d’aventures que dans votre existence actuelle ?

Vivian. — Les honneurs !… Vous ne voyez pas la différence qu’il y a entre nous. Vous n’avez à faire que votre fortune. Moi, j’ai un nom à reconquérir. Vous regardez l’avenir d’un œil calme. Moi, j’ai une tache à effacer dans le passé !

Pisistrate, avec douceur. — Elle est effacée. Cinq années courageusement employées à vous corriger par un travail incessant, cinq années d’une conduite si exempte de tout blâme que Guy lui-même, en qui je vois l’incarnation du gros bon sens anglais, doute presque que vous soyez assez rusé pour gouverner votre station ! Votre caractère est déjà en si haute estime que je soupire après l’heure où vous reprendrez le nom sans tache de votre père, où vous me donnerez l’orgueil d’avouer notre parenté devant tout le monde. Ah ! vous avez bien racheté des erreurs qui provenaient d’une enfance sans éducation et d’une jeunesse vagabonde.