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Vivian. — Quelles nouvelles d’Angleterre ?

M. Bullion. — Parlez-vous des fonds, monsieur.

M. Speck. — Je suppose plutôt que vous voulez parler des chemins de fer. Il s’y fera de grandes fortunes, monsieur ; mais je crois que nos spéculations ici…

Vivian. — Excusez-moi si je vous interromps, monsieur ; mais je croyais, d’après les derniers journaux, qu’il y avait quelque chose d’hostile dans l’attitude de la France. N’y a-t-il aucune chance de guerre ?

Le major Mac-Blarney. — Voudriez-vous entrer dans l’armée, jeune homme ? Si mon crédit auprès du commandant des gardes du corps peut vous être utile, le major Mac-Blarney en sera, parbleu ! tout fier.

M. Bullion, d’un air d’autorité. — Non, monsieur, nous n’aurons pas la guerre. Les capitalistes d’Europe et d’Australie n’en veulent pas. Les Rothschild et quelques autres que je ne nommerai pas n’ont qu’à faire ceci, monsieur (il boutonne ses poches), et nous le ferons ; alors que devient votre guerre, monsieur ?

Dans la véhémence avec laquelle il frappe sur la table, M. Bullion casse sa pipe. Promenant alors autour de lui ses yeux abrités de lunettes vertes, il prend la pipe que Speck a posée sur la table dans un moment d’inattention.

Vivian. — Mais la campagne de l’Inde ?

Le major Mac-Blarney. — Oh ! si c’est les Indiens que vous voulez….

Bullion, bourrant la pipe de Speck avec du tabac puisé dans la blague de Guy Bolding, et interrompant le major. — L’Inde, c’est une autre affaire. Je ne m’oppose point à cela. Cette guerre-là est plutôt avantageuse que nuisible aux capitalistes.

Vivian. — Eh bien ! quelles nouvelles de l’Inde ?

Bullion. — Je ne sais pas. Je n’ai pas de capitaux dans l’Inde.

M. Speck. — Ni moi. Le temps de l’Inde est passé. Ce pays-ci est notre Inde à présent.

Il ne voit pas sa pipe à la place où il l’avait laissée ; puis, la reconnaissant dans la bouche de Bullion, il reste comme frappé d’horreur. — N. B. Ce n’est pas un vulgaire brûle-gueule, mais une petite pipe d’écume impossible à remplacer dans le Bocage.