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vrait payer les riches pour qu’ils viennent ici, n’est-ce pas, Speck ?

Tandis que l’oncle Jack est tourné vers M. Speck, M. Bullion pique avec sa fourchette un petit oignon sur l’assiette de Jack, et le transfère sur la sienne, en disant, non pas à propos de l’oignon, mais comme une vérité générale : « Dans ce pays, messieurs, il suffit qu’un homme ait l’œil au guet, prêt à profiter de la première occasion… les ressources sont innombrables. »

L’oncle Jack, revenant à son assiette et voyant l’absence de l’oignon, prévient M. Speck en s’emparant de la dernière pomme de terre. Il dit aussi, dans le même sens philosophique et général que M. Bullion :

« La grande chose dans ce pays, c’est d’être toujours en avant : découverte et invention, promptitude et décision, et puis ça va tout seul !… Sur ma vie ! on ramasse parmi les naturels de ce pays des locutions bien triviales. Ça va tout seuil c’est affreux ! que dirait votre pauvre père ?… À propos, comment va-t-il, ce bon Austin ? Bien. Alors, tant mieux. Et ma chère sœur ?… Ah ! ce maudit Peck ! elle maugrée toujours contre l’Anticapitaliste, n’est-ce pas ?… Mais je mettrai ordre à tout cela… Messieurs, remplissez vos verres ! un toast solennel !

M. Speck, d’un ton ému. — Je répondrai à vos sentiments avec cette grande tasse. Il n’y a plus de verres.

L’oncle Jack. — Un toast solennel à la santé du futur millionnaire que je vous présente dans la personne de mon neveu et unique héritier, Pisistrate Caxton, Esq. Oui, messieurs, je vous annonce ici publiquement que ce jeune homme héritera de toute ma fortune : biens-fonds, baux emphytéotiques, propriétés agricoles et minières. Et lorsque je serai dans la froide tombe (il tire son mouchoir), lorsqu’il ne restera plus rien du pauvre John Tibbets, regardez ce jeune homme et dites : « John Tibbets vit encore ! »

M. Speck, chantant. — Oui, faisons tous raison à ce toast solennel !

Guy Bolding. — Hip, hip, hourra ! trois fois hourra ! Est-ce drôle ? »

L’ordre se rétablit ; on débarrasse la table ; chacun allume sa pipe.