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des deux premières années. Vous faisiez triste figure alors. Vous avez eu bien raison de nous mettre en apprentissage auprès d’un autre propriétaire, avant de vouloir risquer notre capital… Ah ! par Jupiter ! ces moutons auraient pu nous faire perdre la tête. D’abord sont venus les chiens sauvages, juste au moment où nos troupeaux étaient lavés et prêts pour la tonte ; et puis nous avons surpris cette maudite brebis galeuse de Joe Timmes se frottant complaisamment contre nos pauvres bêtes sans défiance ! Je m’étonne que nous n’ayons pas abandonné la partie ; mais Patientia fit… Comment est ce vers d’Horace ?… ah bah ! qu’importe ?

Le chemin est bien long qui ne fait pas de coude !

Ce vers vaut bien ceux d’Horace et de Virgile… Vivian n’est-il pas venu ?

Pisistrate. — Non, il doit sûrement arriver aujourd’hui.

Guy Bolding. — C’est lui qui a la meilleure part. Élever des chevaux et nourrir des bœufs, galoper après ces sauvages démons, se perdre dans une forêt de cornes : voilà son rôle. Vivre avec ces animaux qui beuglent, qui bondissent, qui se battent et se démènent comme des buffles furieux ; vivre avec des chevaux qui franchissent les plus larges fossés et les rochers des forêts ; entendre sans cesse des claquements de fouets et des cris d’hommes ; être toujours sur le point de se casser le cou ou de périr victime d’un taureau irrité : voilà le plaisir ! Ah ! c’est une triste chose de voir des moutons, après une chasse aux taureaux et une foire aux bœufs.

Pisistrate. — Chacun son goût dans le Bocage. On peut gagner de l’argent plus facilement et plus sûrement, avec plus d’aventures et de distractions, dans le département bucolique ; mais on fait de plus grands bénéfices et une fortune plus rapide dans le département pastoral, si toutefois l’on est soigneux et que le sort vous favorise… et notre but est de retourner en Angleterre le plus tôt que nous pourrons.

Guy Bolding. — Humph ! je me contenterais bien de vivre et de mourir dans le Bocage, le plus beau pays du monde, si les femmes y étaient moins rares, Quand je pense qu’il y a en Angleterre des milliers et des milliers de filles, et qu’ici l’on n’en trouve pas une seule à trente milles à la ronde, si ce n’est Bet Goggins… et celle-là n’a qu’un œil !… Mais revenons à