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voyons briller, près et loin, les lumières de la grande ville ; les étoiles scintillent sur nos têtes comme pour les premiers navigateurs des vieux âges. Des bruits étranges, des voix rauques, des cordes qui craquent, des sanglots de femmes se confondent avec les imprécations des matelots. Au milieu du roulis et du tangage, comme lorsque le navire glisse doucement sur les flots, le triste sentiment de l’exil s’approche de nous ; mais nous restons à regarder et à écouter, muets, appuyés les uns sur les autres.

La nuit s’assombrit, la ville disparaît ; plus un rayon de ses myriades de lumières. Le fleuve s’élargit immense. Comme le vent fraîchit ! est-ce une brise de mer ?… Déjà les étoiles commencent à s’effacer ; la lune est descendue sous l’horizon. Combien les eaux nous paraissent désolées aux premières teintes grisâtres de l’aube ! nous frissonnons, nous nous regardons, nous murmurons quelque chose qui n’est pas la pensée la plus intime de notre cœur, et nous rentrons dans nos cabines… Certes ce n’est pas pour dormir ; et pourtant le sommeil nous surprend, en ami doux et délicat. L’Océan nous berce, pauvres exilés, comme sur le sein d’une mère.