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toutes ces tentations auxquelles il succomberait si facilement, c’est une épreuve que je crois trop rude pour une conversion encore si incomplète. Sans doute, dans le Nouveau-Monde son activité s’exercerait en un champ moins semé de difficultés, et les habitudes aventurières de son inconstante jeunesse lui pourraient être d’une grande utilité. Je pense que l’économiste répondrait plus aisément que le stoïcien aux plaintes qu’il exhale à propos des inégalités dont fourmille le monde civilisé. « Vous ne les aimez pas, vous trouvez dur de vous y soumettre, dirait l’économiste ; mais ce sont les lois des États civilisés, et vous ne pouvez les changer. De plus sages que vous ont essayé de les changer, mais ils n’ont pu y parvenir, quoiqu’ils aient mis le monde sens dessus dessous. Eh bien, le monde est grand ; allez dans un État moins civilisé. Les inégalités du vieux monde disparaissent dans le nouveau. L’émigration est la réponse de la nature aux cris de ceux qui se révoltent contre l’art. » Voilà ce que dirait l’économiste ; et hélas ! même pour vous, mon fils, je n’ai rien pu répliquer à ces raisonnements. Je reconnais donc que l’Australie est la meilleure soupape de sûreté aux mécontentements et aux désirs de votre cousin ; mais je reconnais aussi une contre-vérité, que voici : Il n’est pas permis à un honnête homme de se corrompre pour l’amour d’autrui. C’est presque la seule maxime de Jean-Jacques que j’accepte de bonne grâce. Vous sentez-vous assez fort pour résister à toutes les influences auxquelles vous pourrez être soumis dans pareille compagnie ; assez fort pour porter le fardeau de votre cousin avec votre fardeau ; assez fort, assez alerte et assez vigilant, pour empêcher ces influences de devenir nuisibles à ceux que vous avez entrepris de guider et dont le sort vous est confié ? Réfléchissez bien et mûrement, car il ne s’agit pas de suivre une impulsion généreuse. Je pense que votre cousin se soumettrait à présent à votre autorité avec un désir sincère de se corriger ; mais entre un désir sincère et une ferme persévérance, la distance est grande, hélas ! même pour le meilleur d’entre nous. Si ce n’était pour Roland, et si je n’avais pas tant de confiance en vous, je ne pourrais nourrir la pensée de charger vos jeunes épaules d’une si lourde responsabilité. Mais toute responsabilité nouvelle pour une nature sérieuse est un nouvel appui pour la