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Pisistrate (quelques minutes après, tandis qu’ils se dirigent vers la demeure de Vivian). — Vous me demandiez sur quoi vous appuyer. Il y a un point d’appui bon et fort.

M. Caxton. — Ah ! quel est-il ?

Pisistrate. — L’amour ! Il y a au fond de ce cœur sauvage une nature capable d’un grand amour. Il aimait sa mère ; les larmes lui viennent aux yeux au nom de sa mère… il serait mort de faim plutôt que de se séparer du souvenir de cet amour. Ce qui l’endurcit et le perdit, ce fut la croyance à la haine ou à l’indifférence de son père… et ce n’est qu’en lui parlant de l’amour de son père que je parviens à présent à fondre son orgueil et à dompter ses passions. Vivian est capable d’aimer ; désespérez-vous encore ?

Mon père tourna vers moi un regard d’une douceur et d’une bienveillance ineffables, et répondit lentement :

« Non. »

Lorsque nous fûmes arrivés à la demeure de Vivian, mon père me dit en frappant à la porte :

« S’il est chez lui, laissez-moi. C’est une rude besogne que vous me donnez là ; il faut que je sois seul pour y travailler. »

Vivian était chez lui, et la porte se referma sur son visiteur. Mon père resta plusieurs heures.

En rentrant, je fus très-surpris de trouver Trévanion avec mon oncle. Il nous avait découverts, non sans peine ; mais un bon mouvement chez Trévanion n’était pas de l’espèce de ceux qui se rebutent à la moindre difficulté : il était venu à Londres pour nous voir et nous remercier.

Je n’aurais pas cru qu’il y eût tant de délicatesse, de ce que je puis appeler la beauté de la bienveillance, dans un homme qu’un travail incessant rendait ordinairement fort brusque. J’eus peine à reconnaître l’impatient Trévanion dans ces égards pleins de tendresse, à travers lesquels perçait le sentiment de la grandeur de ses obligations vis-à-vis de Roland ; il ne toucha pas même aux torts de mon pauvre cousin. Mais mon oncle s’aperçut à peine de cette bienveillance, qui prouvait combien le noble caractère de Trévanion l’avait élevé au-dessus de la rudesse que contractent trop souvent ceux qui sont totalement absorbés par les affaires. Roland était assis devant les braises d’un feu qu’il négligeait ; ses mains s’appuyaient sur les bras de son fauteuil ; sa tête était penchée sur sa poitrine, et la