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« S’il n’y a pas de chambre vide pour moi, dit-il, je laisserai là un mot pour vous apprendre où vous me trouverez. Mais je voudrais bien avoir la même chambre qu’avant… »

Il n’acheva pas sa phrase. Je lui serrai la main et le quittai.


CHAPITRE IX.

Quelques jours se sont écoulés. Nous sommes à Londres, mon père avec nous, et Roland a permis à Austin de me raconter son histoire. Je lui ai communiqué, par le-même intermédiaire, tout ce que le récit de Vivian m’a suggéré, soit en atténuation du passé, soit en espérance pour l’avenir. Austin a merveilleusement calmé son frère. La rudesse ordinaire de Roland a disparu ; il a l’air plus doux, la voix moins sévère. Il ne me fait pas de questions ; il ne me nomme pas son fils ; il ne parle plus du voyage en Australie ; il ne me demande pas pourquoi mon départ est différé ; il ne s’occupe plus, comme auparavant, de mes préparatifs : il n’a le cœur à rien.

Le voyage est retardé jusqu’au départ d’un autre navire. J’ai vu Vivian deux ou trois fois, et le résultat de ces entrevues m’a désappointé et abattu. Il me semble que l’effet produit est déjà effacé en grande partie. À l’aspect de la grande Babylone avec l’aisance, le luxe, les richesses, la pompe, avec la misère, la famine, les haillons qu’on trouve inévitablement réunis dans ce foyer de civilisation, au milieu des inégalités de notre vieille société, on dirait que les dispositions de Vivian à la lutte se sont réveillées. Sa funeste ambition, son hostilité contre le monde, sa colère, son mépris, sa haine contre l’homme, ses murmures contre Dieu : tout cela a reparu. Heureusement il lui reste son repentir de ses torts envers son père ; sur ce point son cœur est encore attendri, et j’y ai découvert un principe d’honneur plus véritable que je n’en avais trouvé chez lui jusque-là. Il a annulé la convention qui lui assurait une rente aux dépens de l’aisance de son père. « Au moins, dit-il, je n’aurai plus cette injustice sur la conscience. »