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— J’ai réfléchi longtemps ; ma décision est prise ; c’est la dernière fois que nous nous revoyons. J’aperçois à présent devant moi le chemin de la fortune, un chemin qui n’a rien que d’honorable ; vous ne pouvez plus m’aider que de la manière que je vous indique. Repoussez ma demande, et peut-être n’aurons-nous plus, ni vous ni moi, de choix à faire. »

Roland se dit alors à lui-même : « C’est pour ce fils que j’ai économisé et épargné ; que me faut-il à moi, sinon juste assez pour ne pas faire de dettes, pour me retirer dans un coin et attendre la mort ? Plus je pourrai lui donner, plus grande sera la chance qu’il renonce à ses infâmes associés et à cette carrière désespérée. » Ce fut ainsi que Roland abandonna à son fils rebelle plus de la moitié de son modique revenu.

Vivian ne savait pas quelle était la fortune de son père ; il ne soupçonnait pas qu’une allocation annuelle de deux cents livres sterling fût si disproportionnée avec les revenus de Roland ; et pourtant, lorsque ce chiffre lui fut annoncé, il fut frappé de la générosité de celui auquel il avait lui-même donné le droit de répondre : « Je te prends au mot ; juste assez pour ne pas mourir de faim ! »

Mais aussitôt cet odieux égoïsme qu’il avait appris dans les mauvaises compagnies et les mauvais livres, et qu’il appelait la science du monde, lui fit penser : « Ce n’est pas pour moi, mais seulement pour mon nom, « et il dit à haute voix : » J’accepte ces conditions, monsieur. Voici l’adresse d’un avoué avec qui vous pourrez terminer cette affaire. Adieu pour toujours. »

À ces derniers mots, Roland tressaillit et étendit les bras comme un aveugle. Mais Vivian avait déjà ouvert la fenêtre (la chambre était au rez-de-chaussée) et s’était élancé sur le rebord. « Adieu, répéta-t-il ; dites au monde que je suis mort ! »

Il sauta dans la rue ; le père se frappa la poitrine et dit : « Voilà donc achevée ma tâche dans ce monde des hommes ! Je retournerai à la vieille tour, ruine moi-même auprès de ces ruines ; et l’aspect des tombeaux qu’au moins j’ai sauvés du déshonneur me consolera de tout ! »