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les interprétant par ses propres sentiments, recula, croisa les bras et dit froidement : « Épargnez-moi vos reproches, monsieur ; ils sont inutiles. Je vous ai appelé pour vous proposer de sauver votre nom et de renoncer à votre fils. »

Alors, entièrement occupé d’arriver à ses fins, l’infortuné jeune homme annonça sa détermination bien arrêtée de ne jamais vivre avec son père, de ne jamais céder à son autorité et de poursuivre résolument sa carrière, quelle qu’elle pût devenir. Il n’expliqua aucune des circonstances qui étaient le plus à son désavantage, pensant peut-être que plus son père aurait mauvaise opinion de lui, plus il céderait facilement à ses désirs. « Tout ce que je vous demande, lui dit-il, le voici : donnez-moi le moins que vous croirez nécessaire pour me sauver de la tentation de voler et m’empêcher de mourir de faim. Je vous promets, en retour, de ne jamais plus troubler votre vie, de ne jamais vous déshonorer par ma mort. Quelque coupables que puissent être mes actions, jamais elles ne rejailliront sur vous, car vous ne reconnaîtrez jamais le malfaiteur. Le nom que vous avez en si haute estime restera sans tache. »

Dégoûté et révolté, Roland n’essaya d’aucun argument ; il y avait dans la froideur de son fils quelque chose qui excluait tout espoir et contre quoi sa fierté se levait avec indignation. Un homme plus humble eût pu faire des remontrances, pleurer, supplier ; cela n’était pas dans le caractère de Roland. Il n’avait que le choix entre trois choses pénibles : répliquer à son fils : « Insensé, je t’ordonne de me suivre ; » ou : « Misérable, puisque tu me rejettes comme étranger, moi aussi je te traite en étranger. Va-t’en, meurs de faim, ou fais-toi voleur, comme tu voudras ! » ou bien enfin courber la tête étourdie de ce coup et dire : « Tu me refuses l’obéissance d’un fils, tu demandes d’être comme mort pour moi ; je ne puis te corriger du vice, je ne puis te conduire à la vertu ; tu veux me vendre le nom que j’ai hérité sans tache et que sans tache j’ai porté : soit ! fais ton prix ! »

Ce fut à peu près à cette dernière résolution que s’arrêta le père.

Il écouta son fils ; puis, après un long silence, il répondit lentement :

« Réfléchissez bien avant de vous décider.