Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour être plus secrètes. Peu à peu les yeux de Roland s’ouvrirent. À mesure que l’enfant se familiarisait avec lui, il mettait de côté cette réserve que la crainte et la ruse lui avaient d’abord imposée, et Roland fut choqué au delà de toute expression des principes audacieux qu’émettait son fils, et de l’incapacité où il était de comprendre même la simple probité, la franchise et l’honneur, qui semblaient au soldat anglais des idées innées et implantées dans l’homme par Dieu. Roland découvrit bientôt après qu’un système de pillage était organisé dans sa maison, avec la connivence de sa femme et l’entremise de son fils, au profit de bravi fainéants et de vagabonds dissolus. Une pareille découverte eût exaspéré un homme plus patient et confondu un homme plus prudent que Roland. Pour lui, il eut recours au moyen le plus naturel, peut-être un peu trop brusquement ; peut-être ne tint-il pas assez compte de l’esprit inculte et des vives passions de sa femme : il lui ordonna de faire sur-le-champ ses préparatifs pour partir avec lui et de renoncer à toute communication avec ses parents.

Elle refusa avec véhémence ; mais Roland n’était pas homme à céder sur ce point. À la fin pourtant, une fausse soumission et un repentir feint apaisèrent son ressentiment et obtinrent son pardon. Ils s’éloignèrent de plusieurs milles ; mais quelques-uns, et les plus mauvais de cette funeste engeance, les suivirent secrètement. Quel qu’eût été jadis l’amour de Ramouna pour Roland, il avait évidemment cessé depuis longtemps par suite du manque de sympathie entre les époux, et de l’absence qui, si elle renouvelle un vaillant amour, détruit une affection affaiblie. Mais la mère et le fils s’adoraient avec toute la violence de leurs sauvages natures. Même dans des circonstances ordinaires, l’influence du père sur un fils encore enfant s’exerce en vain si la mère se prête à la contrarier. Que pouvait faire le brusque, le sévère, l’honnête Roland, dans la malheureuse position où il était (après avoir été séparé de son fils pendant les années les plus malléables de l’enfance), contre l’ascendant d’une mère qui flattait tous les défauts et cédait à tous les désirs de son favori ?

Dans son désespoir, Roland laissa échapper cette menace : « Si l’on me contrarie ainsi, il sera de mon devoir de séparer le fils d’avec la mère. » Cette menace endurcit aussitôt les deux cœurs contre lui. L’épouse représenta Roland à son fils