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Espagnole[1] ; la femme de Roland fut le fruit de ce mariage. Le gitano mourut tandis que Ramouna était encore toute petite, de sorte qu’elle fut affranchie de l’influence de la famille de son père. Mais quoique sa mère, demeurée fidèle à sa religion, l’eût élevée dans la même foi, pure de toute l’impie croyance des gitanos ; et quoique, depuis la mort de son mari, elle eût vécu tout à fait séparée de ceux de cette race, elle n’en était pas moins en dehors de sa caste, sans liaison avec ses parents et ses compatriotes. Pendant qu’elle s’efforçait d’y rentrer, elle perdit la fortune qui faisait sa seule chance de succès dans cette tentative, et elle se trouva seule, sans amis pour égayer la solitude de Ramouna durant l’absence de Roland. Or, la veuve mourut tandis que mon oncle était encore au service de Ferdinand, et les seuls parents qui se groupèrent alors autour de Ramouna furent ceux de la ligne paternelle. Ils n’avaient pas osé réclamer leur parenté du vivant de sa mère ; ils la réclamèrent alors par les attentions et les caresses dont ils comblèrent son fils. Cela leur ouvrit aussitôt les portes et le cœur de Ramouna. Cependant, la bonne anglaise qui, malgré tout ce qui lui rendait ce séjour odieux, était demeurée à son poste par amour pour l’enfant, mourut quelques semaines après la mère de Ramouna, et il ne resta plus aucune saine influence pour contre-balancer les influences pernicieuses auxquelles se trouva livré l’héritier du nom antique et honoré de Caxton. Mais Roland revenait chez lui dans une humeur à être charmé de tout. Il étreignit joyeusement sa femme contre son cœur, se reprocha de n’avoir pas eu assez d’indulgence et de s’être montré trop exigeant, et se promit d’être plus sage à l’avenir. Il fut ravi de la beauté, de l’intelligence, de l’aspect viril de son fils, qui joua avec sa dragonne et s’enfuit avec ses pistolets comme avec un glorieux butin.

La nouvelle de l’arrivée de l’Anglais écarta d’abord de la maison les parents bohémiens ; mais ils aimaient beaucoup l’enfant, et l’enfant les aimait. Aussi les entrevues qu’il eut avec ses sauvages camarades n’en furent pas moins fréquentes

  1. Il est très rare qu’un Espagnol épouse une gitana, ou bohémienne ; mais, au dire de M. Borrow, il arrive assez souvent qu’un riche gitano épouse une Espagnole. (Note de l’auteur.)

    M. Borrow a écrit un livre fort remarquable sur les mœurs des gitanos, et qui est intitulé Lavengro. (Note du traducteur.)