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duire sa femme à la vieille tour (expatriation à laquelle Ramouna se serait sans doute opposée de tout son pouvoir), Roland, tout mutilé qu’il était, accepta, peu de temps après son retour en Espagne, l’offre d’un poste militaire sous Ferdinand. Les opinions monarchiques de Roland l’attachèrent sans réflexion au service d’un trône que les armées anglaises avaient contribué à rétablir, tandis que l’extrême impopularité du parti constitutionnel en Espagne et la flétrissure d’irréligion dont le stigmatisaient les prêtres, faisaient croire à Roland qu’il soutenait un roi aimé contre les professeurs de ces doctrines révolutionnaires et jacobines qui étaient pour lui comme l’athéisme politique. L’expérience de quelques années passées au service d’un bigot aussi méprisable que Ferdinand, dont tout le patriotisme consistait dans le rétablissement de l’inquisition, ajouta un nouveau désappointement à ceux qui avaient déjà rempli d’amertume la vie d’un homme qui, dans le célèbre héros de Cervantès, n’avait vu que de nobles vertus à imiter et point de folies à ridiculiser. Pauvre Quichotte lui-même, il s’en revint tristement dans sa Manche, sans autre récompense de sa vie de chevalier errant qu’une décoration qu’il dédaigna d’attacher à côté de sa simple médaille de Waterloo, et un grade pour lequel il eût rougi de renoncer à celui plus modeste, mais plus honorable, qu’il avait dans l’armée anglaise.

Cet homme plein d’ardeur et de confiance rentra dans ses pénates, le cœur riche d’espérances nouvelles. Son fils était sorti de la première enfance ; le petit garçon passait naturellement sous l’autorité du père. Délicieuse occupation ! À cette pensée, le foyer domestique sourit de nouveau à Roland.

Voici maintenant la plus déplorable circonstance de ce funeste mariage :

Le père de Ramouna avait appartenu à cette race étrange et mystérieuse, si différente en Espagne des autres tribus de même origine qui se trouvent dans des pays plus civilisés. Le gitano ou bohémien d’Espagne n’est pas le vagabond que nous rencontrons campé sur les terres communales ou cheminant sur nos routes. Tout en conservant beaucoup de ses principes d’insubordination et de son penchant au vol, il habite souvent les villes, exerce diverses professions et s’enrichit assez fréquemment. Un riche gitano avait épousé une