Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous voyez donc que notre position était très-honorable, et qu’elle prouvait le bon état de nos finances, et la distinction de notre généalogie, sur laquelle je m’étendrai davantage plus tard. À présent je me contente de dire, à ce sujet, que même les plus fiers des gentillâtres du voisinage ne parlaient jamais de nous que comme d’une très-ancienne famille. Mais tout ce que mon père disait de ses ancêtres était à l’honneur de William Caxton, bourgeois et imprimeur sous le règne d’Édouard IV : Clarum et venerabile nomen ! un ancêtre dont un homme de lettres pouvait être fier à juste titre.

« Heus ! s’écria mon père en s’arrêtant tout à coup et levant les yeux de dessus les colloques d’Érasme, salve multum, jucundissime. »

L’oncle Jack n’était pas fort savant, mais il savait assez de latin pour répondre : « Salve tantumdem, mi frater. »

Mon père sourit d’un air approbateur.

« Je vois que vous comprenez la vraie urbanité, ou politesse, comme nous disons. Il est de bon goût de traiter de frère le mari de sa sœur. Érasme recommande cette formule dans son premier chapitre intitulé : Salutandi formulæ. Et le fait est, ajouta mon père d’un air rêveur, qu’il n’y a pas loin de la politesse à l’affection. Mon auteur observe en cet endroit qu’il est poli de saluer en quelques petites infirmités de notre nature. Nous devrions saluer ceux qui bâillent, qui ont le hoquet, qui éternuent ou qui toussent ; et cela évidemment à cause de l’intérêt que nous prenons à leur santé ; car ils pourraient se disloquer la mâchoire en bâillant ; le hoquet est quelquefois un symptôme de maladie grave ; l’éternuement est dangereux pour les petites veines de la tête ; et la toux est une affection de la trachée-artère, des bronches, des poumons ou des ganglions.

— C’est très-vrai. Les Turcs saluent toujours celui qui éternue, et le peuple turc est remarquablement poli, dit l’oncle Jack. Mais, mon cher frère, j’étais justement occupé à admirer vos pommiers. Je n’en ai jamais vu de plus beaux. Je suis grand connaisseur en fait de pommes, et, en causant avec ma sœur, j’ai trouvé que vous en tiriez peu de profit. C’est bien dommage. On pourrait établir un verger à cidre dans ce comté. Vous pouvez reprendre les terres que vous avez louées ; vous pouvez même en louer d’autres pour arriver