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épreuves, et que les éléments des vertus humaines trouvent la place qui leur convient ? J’ignore ce que je répondis. J’ignore également combien de temps je restai là debout à écouter des mots qui me semblaient n’avoir aucune signification, jusqu’à ce que j’en entendis d’autres qui me rendirent l’usage de mes sens, et qui refroidirent assez mon sang pour me permettre de distinguer le piétinement des chevaux, le grincement des roues et une voix qui cria à la porte : « Tout est prêt. »

Alors Fanny leva les yeux ; elle rencontra les miens ; involontairement elle fit quelques pas vers moi ; je portai la main droite à mon cœur, comme pour étouffer ses palpitations : puis je demeurai immobile. Lord Castleton nous examinait tous deux. Je le sentais, quoique j’évitasse ses regards. Au moment où je détournai mes yeux de ceux de Fanny, le regard de lord Castleton tomba en plein sur moi : un regard de douceur, de compassion et de bonté. Soudain le marquis se tourna vers lady Ellinor avec une ineffable expression de noblesse, et lui dit : « Pardonnez-moi si je vous raconte une vieille histoire. Un de mes amis, un homme de mon âge, eut l’audace d’espérer qu’il pourrait, un jour ou l’autre, obtenir l’affection d’une demoiselle assez jeune pour être sa fille et que les circonstances, son propre cœur aidant, lui faisaient préférer à tout son sexe. Mon ami avait de nombreux rivaux. Cela ne vous étonnera pas, car vous avez vu la demoiselle. Parmi eux se trouvait un jeune homme qui avait passé plusieurs mois dans la famille… Chut ! lady Ellinor ; vous m’écouterez jusqu’à la fin ; mon histoire va devenir intéressante… Ce jeune homme avait respecté la sainteté du foyer domestique où il était reçu, et il le quitta lorsqu’il sentait qu’il aimait : car il était pauvre et la demoiselle était riche. Quelque temps après, ce jeune homme sauva la demoiselle d’un grand danger. Il était alors à la veille de quitter l’Angleterre… Chut ! encore une fois… Mon ami était présent lorsque ces deux jeunes personnes se virent avant une absence probable de plusieurs années, et la mère de la demoiselle dont mon ami espérait obtenir un jour la main était présente aussi. Il vit que son jeune rival désirait faire ses adieux sans témoins : cet adieu était tout ce que son honneur et sa raison lui permettaient de dire. Mon ami vit que la demoiselle éprouvait une reconnaissance bien naturelle pour un grand service, et une