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caractères. Je la plaçai sur le lit devant mi, et j’ouvris les volets pour faire arriver la lumière de Dieu sur la parole de Dieu.

À peine avais-je fini, que j’entendis frapper doucement à la porte. J’ouvris, et lord Castleton me demanda à voix basse s’il pouvait voir mon oncle. Je le fis entrer sans bruit et lui montrai le vieux soldat de la bataille de la vie apprenant ce qui n’est pas impossible dans l’infaillible livre d’ordres.

Lord Castleton le contempla avec émotion et sortit sans le déranger. Je le suivis et fermai doucement la porte.

« Il faut que vous sauviez son fils, dit-il d’une voix tremblante, il le faut. Dites-moi comment je puis vous aider… Quel spectacle ! Jamais sermon ne m’a touché davantage. Descendez maintenant, venez recevoir les remercîments de lady Ellinor. Nous partons. Elle veut que je raconte moi-même mon histoire à ma vieille amie, Mme Grognon : ainsi je pars avec elle. Venez. »

Lorsque j’entrai dans le salon, lady Ellinor se leva et m’embrassa cordialement. Je n’ai pas besoin de répéter ses remercîments, moins encore ses éloges qui tombèrent froids et creux dans mon oreille. Mon regard s’arrêta sur Fanny. Elle se tenait un peu à l’écart ; ses yeux encore humides de larmes étaient baissés vers la terre. Le sentiment de tous ses charmes, le souvenir de la bienveillance délicate et pleine de tendresse qu’elle avait témoignée à l’infortuné père, le pardon généreux qu’elle avait accordé au fils coupable, les regards si pleins de confiance qu’elle avait tournés vers moi dans cette nuit mémorable, le moment où elle s’était cramponnée à moi pour demander ma protection et où j’avais senti sur ma joue la douce chaleur de son haleine : tout cela se représenta à moi, et je compris que j’avais lutté en vain pendant de longs mois, et que je n’avais jamais aimé Fanny comme je l’aimais en ce moment où je ne la voyais que pour la perdre à jamais. Alors me vint, pour la première et, Dieu merci ! pour la seule fois, une ingrate et amère accusation contre la cruauté de la fortune et les inégalités de la vie. Qu’était-ce qui séparait à jamais nos deux cœurs, et qui nous rendait tout espoir impossible ? Ce n’était pas la nature, mais la fortune, qui donne au monde une seconde nature. Ah ! pouvais-je savoir alors que c’est dans cette seconde nature que l’âme doit chercher ses