Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je pensasse qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer réellement. Mais lorsque je vous vis convaincu que M. Gower était pour quelque chose dans cette fable et que cela cachait quelque piège contre Fanny, je devinai tout en un instant. La route qui mène chez lord N… est la route d’Écosse, puisque sa résidence n’est éloignée de la frontière que d’un ou deux relais. Un aventurier hardi et sans scrupule devait, avec le secours des domestiques de Mlle Trévanion, entraîner celle-ci jusqu’en Écosse ; là il pouvait agir sur ses craintes, ou, s’il avait quelque espoir d’être aimé d’elle, la faire consentir à un mariage écossais. Vous pouvez donc croire que je me mis en route aussitôt que possible. Mais comme votre messager venait de la Cité, et qu’il s’était sans doute un peu amusé en chemin ; comme aussi je dus commander la voiture et les chevaux, je me trouvai de plus d’une heure et demie en retard sur vous. Heureusement je gagnais du terrain, et je vous aurais peut-être rencontrés à mi-chemin si je n’avais versé en passant entre un fossé et une voiture de roulage, ce qui me retarda un peu. Lorsque j’arrivai au village où la route se bifurque pour aboutir d’un côté chez lord N…, j’eus la satisfaction d’apprendre que vous aviez suivi ce qui était, à mon avis, la bonne direction ; et finalement je trouvai le fil d’Ariane qui me conduisit à cette infâme auberge, grâce au récit des postillons qui y avaient laissé la voiture de Mlle Trévanion et qui vous avaient rencontrés. En atteignant cette auberge, je vis deux individus qui causaient devant la porte. Ils voulurent rentrer lorsque nous arrivâmes ; mais mon domestique Summers (un gaillard, vous savez, qui a voyagé avec moi de Norvège jusqu’en Nubie) fut plus leste qu’eux. Il descendit de son siège et entra dans la maison, où je le suivis d’un pas aussi agile que le vôtre, jeune coquin que vous êtes ! Vrai Dieu ! je n’avais que vingt et un ans en ce moment. Les deux misérables avaient déjà terrassé le pauvre Summers et me disputaient le passage. Savez-vous, dit le marquis en s’interrompant avec un air d’humiliation à la fois sérieuse et comique, savez-vous qu’en cet instant (oh ! vous ne le croiriez jamais… rappelez-vous que c’est un secret), qu’en cet instant je cassai ma canne sur les épaules d’un de ces scélérats ?… regardez. » Et le marquis me montrait un fragment de l’arme qu’il regrettait. « Je crois presque, mais je ne l’affirmerais pas positivement, que je me trouvai même