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rencontré, dans la vie réelle, une de ces coïncidences curieuses prévues et attendues par le lecteur qui suit attentivement le fil d’une histoire, c’était là une supposition qu’un grand nombre de causes diverses me défendaient de faire. Il n’y avait pas le moindre air de famille entre Vivian et aucun de ses parents ; et, pour une raison ou pour une autre, je m’étais représenté le fils de Roland sous des traits et un caractère tout autres que ceux de Vivian. Il m’eût semblé impossible que mon cousin fût si peu curieux des affaires de la famille ; qu’il fût si inattentif et même si ennuyé lorsque je parlais de Roland ; qu’il n’eût jamais, ni par un mot ni par le son de sa voix, trahi quelque sympathie pour ses parents. Et puis mon autre conjecture était si probable : fils de ce colonel Vivian dont il portait le nom ! Et cette lettre avec le timbre de Godalming ! D’ailleurs je croyais mon cousin mort… Non, aujourd’hui même je ne suis pas surpris que cette idée ne me soit pas venue.

Lorsque je m’arrêtai, après l’énumération de ces excuses pour expliquer mon manque de perspicacité, je me dépitai contre moi-même, parce que je remarquai que le beau front de lord Castleton s’était assombri.

« De quelles tromperies n’a-t-il pas dû se rendre coupable, s’écria-t-il, avant de devenir si grand maître en cet art !

— C’est vrai, et je ne puis le nier. Mais sa punition est terrible ; espérons que le repentir suivra le châtiment. Sans doute c’est par sa faute qu’il a été chassé de la maison de son père et qu’il a perdu ce sage guide ; mais dans la situation où il est, soyons indulgents pour lui en considération de l’influence que la mauvaise compagnie a dû exercer sur un homme si jeune, en considération des soupçons que fait naître la science du mal et qui se changent en une sorte de fausse connaissance du monde. Et dans cette dernière de ses actions, qui est aussi la pire de toutes…

— Ah ! comment la justifier ?

— La justifier ! bon Dieu ! la justifier ! non. Je dis seulement, tout étrange que cela puisse paraître, que son amour pour Mlle Trévanion était, je crois, désintéressé ; il l’atteste dans la profondeur d’une angoisse où les hommes les moins sincères cesseraient de feindre. Mais assez sur ce sujet… elle est sauvée, Dieu merci !