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mettant dans sa voix une passion qui n’eût pas été sans véritable éloquence, si son crime avait été moins odieux, il continua en s’adressant à Fanny : « J’avoue que la première fois que je vous vis j’aurais pu penser à l’amour comme les pauvres et les ambitieux pensent au chemin de la fortune et du pouvoir. Ces pensées s’évanouirent, et il ne resta dans mon cœur qu’amour et démence. Lorsque je préparai ce piège, j’étais comme un homme en délire ; je n’avais qu’un but… je ne voyais qu’une céleste vision… Ô vous qui êtes à moi… du moins dans cette vision, vous ai-je réellement perdue pour toujours ? »

Il y avait dans le ton et l’air de cet homme un sentiment qui, soit qu’il vînt d’une hypocrisie achevée, soit qu’il fût sincère, devait, selon moi, aller au cœur de toute femme qui aurait eu un seul moment d’amour pour lui, quelque grièvement qu’elle en eût été ensuite outragée. Aussi ce fut avec un doute qui me glaça, que je fixai mes regards sur Mlle Trévanion. Ses yeux, lorsqu’elle se retourna toute tremblante, rencontrèrent les miens, et je crois qu’elle découvrit le doute qui s’y peignait ; car après m’avoir considéré quelque temps avec une sorte de douloureux reproche, ses lèvres frémirent d’orgueil (héritage de sa mère), et pour la première fois je vis la colère sur son front.

« Il est bon, monsieur, que vous m’ayez tenu, ce langage en présence de ces amis ; car devant eux je vous adjure, par l’honneur que le fils de ce noble gentilhomme a pu oublier pour un temps, mais auquel il ne saurait forfaire à jamais, je vous adjure de dire si jamais par une action, une parole, un signe, je vous ai donné sujet de croire que je répondais au sentiment que vous prétendez nourrir pour moi, ou si je vous ai encouragé à entreprendre cette tentative pour me placer en votre pouvoir.

— Non ! s’écria Vivian sans hésiter, quoique ses lèvres tremblassent. Non ; mais, lorsque je vous aimais au point de risquer tout mon avenir pour avoir une bonne occasion de vous dire mon amour, je voudrais ne pas croire que cet amour n’a rencontré que dégoût et dédain. Quoi ! la nature m’a-t-elle ai durement traité que l’amour ne puisse répondre à mon amour ? Quoi ! ma naissance m’a-t-elle ôté le droit de courtiser et d’épouser une femme d’illustre naissance ? À cette dernière