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déjà surmené. Ils auront pris un chemin de traverse. Les traces des pieds de leurs chevaux ou des roues de leur voiture nous serviront de guide. »

Notre postillon grommela en montrant les flancs palpitants des montures. Pour toute réponse, Roland ouvrit sa main… pleine d’or. Nous retraversâmes le sombre village endormi jusqu’à la route éclairée par la lune. Nous trouvâmes un chemin de traverse à droite ; mais la trace que nous cherchions nous fit pousser devant nous. Nous avions parcouru prés de la moitié du relais, lorsque tout à coup deux postillons à cheval sortirent d’un étroit sentier.

À cette vue, celui qui nous accompagnait passa devant nous et poussa un cri pour héler ses camarades. Quelques mots nous donnèrent les renseignements que nous désirions. Une roue s’était détachée de la voiture juste au tournant du chemin, et la jeune dame s’était réfugiée avec ses domestiques dans une petite auberge peu éloignée de la route. Le laquais avait renvoyé les postillons après qu’ils eurent donné à manger à leurs chevaux, et il leur avait dit de revenir le lendemain matin avec un maréchal pour réparer la roue.

« Comment la roue s’est-elle détachée ? demanda Roland d’un ton sévère.

— Eh ! monsieur, l’esse était tout usée, je suppose, et elle se sera perdue.

— Le laquais est-il descendu de son siège pendant la route, avant l’accident ?

— Mais oui. Il disait que les roues prenaient feu, que les essieux étaient vieux et qu’il avait oublié de les faire graisser.

— Il a examiné les roues, et peu après l’esse est tombée, n’est-ce pas ?

— Presque aussitôt après, monsieur, dit le postillon stupéfait. Vrai, voilà comme cela est arrivé !

— Allons, Pisistrate, nous arrivons à temps ; mais priez Dieu… priez Dieu que… » Le capitaine enfonça ses éperons dans les flancs de son cheval, et le reste de ses paroles fut perdu pour moi.

À quelques pas de la chaussée s’élevait l’auberge, précédée d’un grand tapis de verdure. C’était une triste vieille maison de froides pierres grises, livide au clair de la lune, efflanquée d’un côté de noirs sapins qui la couvraient à demi d’une ombre