Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh ! oui ; ne pouvez-vous répondre ?

— Mais avec M. Trévanion, je crois, monsieur.

— Dans le Nord !… quelle adresse ?

— Lord N…, C…-Hall, près W… »

Je n’en écoutai pas davantage.

La conviction de l’existence de quelque piège perfide me frappa avec la rapidité et la force de l’éclair. Si Trévanion était vraiment malade, pourquoi cet hypocrite valet me l’avait-il caché ? Pourquoi m’avait-il laissé gaspiller son temps au lieu de courir chez lady Ellinor ? Si c’était la maladie soudaine de M. Trévanion qui l’amenait à Londres, comment avait-il pu savoir longtemps à l’avance (ainsi qu’il me l’avait dit lui-même) le jour de son arrivée ? Et puis, s’il n’y avait pas quelque complot contre Mlle Trévanion, pourquoi tromper ainsi la sage prévoyance de sa mère, et profiter de l’émotion, de la précipitation naturelle à cet âge, pour entraîner une jeune fille à qui sa position défendait d’entreprendre un pareil voyage sans protection convenable, et contrairement aux désirs, aux instructions formelles de lady Ellinor ? Seule ! seule ! Fanny Trévanion se trouvait entre les mains de deux domestiques, instruments et confidents d’un aventurier tel que Vivian ! Et cette conversation que j’avais surprise, ces allusions au lendemain, le faux nom de Vivian : en fallait-il plus pour effrayer les infaillibles instincts de l’amour ? Si le danger paraissait vague et indistinct, ce n’était là qu’un nouveau motif de crainte.

Je m’élançai hors de l’hôtel.

Je courus au Haymarket, où je pris un cabriolet pour arriver plus vite à notre auberge (car je n’avais pas sur moi l’argent nécessaire pour le voyage que je projetais) ; j’envoyai le garçon chercher une chaise à quatre chevaux, et je me précipitai dans la chambre, où j’eus le bonheur de trouver encore Roland.

« Oncle, venez avec moi ! m’écriai-je. Prenez de l’argent… beaucoup d’argent ! Quelque perfidie se trame contre les Trévanion, j’en suis sûr, quoique je ne puisse l’expliquer. Mais nous pouvons encore la déjouer. Je vous dirai tout chemin faisant. Venez, venez !

— Certainement. Mais un complot… et contre des gens si haut placés !… Allons, calmez-vous. Quel est le scélérat ?

— Oh ! c’est l’homme que j’aimais comme un ami… l’homme