Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Diplomate ! » repartit lady Ellinor en souriant ; mais sa figure reprit un sérieux presque sévère, et elle ajouta : « Il est terrible de penser qu’un père puisse haïr son fils !

— Haïr !… Roland haïr son fils ! qu’est-ce que cette calomnie ?

— Il ne le hait donc pas ! Assurez-moi de cela ; je serais si contente d’apprendre que j’ai été mal informée !

— Voici ce que je puis vous dire, et rien de plus, car c’est tout ce que je sais : si jamais père vécut tout entier dans son fils, si jamais craintes, espérances, joies, douleurs de la vie du fils, se reflétèrent sur le cœur du père, Roland fut ce père-là tant que vécut son fils.

— Il m’est impossible de ne pas vous croire ! s’écria lady Ellinor avec surprise. Eh bien ! amenez-moi votre oncle.

— Je ferai de mon mieux pour le décider à venir vous voir, afin qu’il apprenne de vous ce que vous me cachez évidemment. »

Lady Ellinor répondit évasivement à cette insinuation, et, quelques moments après, je quittai cette maison où j’avais connu le bonheur qui rend fou et le chagrin qui rend sage.


CHAPITRE IV.

J’avais toujours éprouvé pour lady Ellinor une affection vive et presque filiale, tout à fait indépendante des liens qui l’unissaient à Fanny et de la reconnaissance que m’inspirait sa bonté pour moi. Il existe une affection d’une nature particulière et qui a une grande force : c’est celle qui résulte de l’alliance de deux sentiments qu’on trouve rarement ensemble, la pitié et l’admiration. Il était impossible de ne pas admirer les rares talents, les belles qualités de lady Ellinor, et de ne pas avoir pitié des soucis, des anxiétés, des chagrins qui tourmentaient cette femme, parce que, avec toute la sensibilité de son sexe, elle se lançait dans le monde grossier des hommes.

La confession de mon père avait un peu diminué mon estime