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Ah ! si cette entrevue, quelque sûr que vous puissiez être de vous, allait troubler mon enfant, lui ôter son courage, lui enlever sa tranquillité, rester présente à son imagination…

— Oh ! ne me parlez pas ainsi… elle ne m’aimait pas.

— Et si elle vous aimait, sa mère pourrait-elle vous l’avouer ? Allons, souvenez-vous de votre jeunesse à tous deux. Lorsque vous reviendrez, tous ces rêves seront oubliés ; alors nous pourrons nous revoir comme auparavant ; alors je serai votre seconde mère, et de nouveau je m’occuperai de votre avenir ; car ne pensez pas que nous vous laissions en exil aussi longtemps que vous semblez le prévoir. Non, non ; ce n’est qu’une absence, une excursion… ce n’est pas la fortune que vous allez chercher. Votre fortune… laissez-nous-en le soin à votre retour.

— Ainsi je ne dois plus la revoir ? » murmurai-je en me levant. Et je m’approchai silencieusement de la fenêtre pour cacher ma figure. Les grandes luttes de la vie ne durent qu’un moment. Pour baisser la tête sur la poitrine, pour serrer le front avec la main, il faut à peine une seconde de nos soixante-dix années de vie. Mais quelles grandes révolutions peuvent s’accomplir dans notre être tandis que ce seul grain de sable tombe sans bruit au fond du sablier !

Je revins d’un pas assuré vers lady Ellinor, et je lui dis avec calme :

« Ma raison m’apprend que vous agissez sagement, et je me soumets. Pardonnez-moi, et ne me croyez ni ingrat, ni trop orgueilleux, si j’ajoute qu’il faut que vous me laissiez le but qui me console et m’encourage à tout supporter.

— Ce but, quel est-il ? demanda lady Ellinor en hésitant.

— L’indépendance pour moi-même, l’aisance pour ces parents qui trouvent encore des douceurs dans la vie. Tel est mon double but ; et, pour l’atteindre, je dois travailler du cœur et des mains… Et maintenant, veuillez transmettre tous mes remercîments à votre noble mari ; acceptez aussi mes prières pour vous et pour celle… dont je ne prononcerai pas le nom… Adieu, lady Ellinor.

— Non, ne me quittez pas si précipitamment ; j’ai bien des choses à discuter avec vous, ou du moins à vous demander. Dites-moi comment votre père supporte ses revers, et s’il est quelque chose qu’il nous permette de faire pour lui. Trévanion