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QUATORZIÈME PARTIE.


CHAPITRE PREMIER.

Il y a dans le Dante un beau et singulier passage, qui n’a peut-être pas attiré toute l’attention qu’il mérite. C’est celui où l’austère Florentin défend la Fortune contre les accusations du vulgaire. Selon lui, la Fortune est une des puissances angéliques, désignée par l’Être suprême pour diriger et ordonner le cours des splendeurs humaines ; elle obéit à la volonté de Dieu ; elle est bénie ; elle accomplit sa révolution circulaire et jouit de sa béatitude, calme et sublime au milieu des autres puissances angéliques, sans entendre ceux qui blasphèment contre elle[1].

C’est là une conception bien différente de l’idée populaire qu’Aristophane, avec son véritable instinct des choses populaires, exprime par la bouche hargneuse de son Plutus. Ce dieu explique sa cécité en disant que, dans son enfance, il avait fait le vœu téméraire de ne visiter que les bons, et que Jupiter avait été si jaloux des bons qu’il avait aveuglé le pauvre dieu de l’argent. Sur ce Chrémylus lui demande si, au cas où il recouvrerait la vue, il fréquenterait la compagnie des bons. « Certainement, répond Plutus ; il y a si longtemps que je

  1. Dante associe évidemment ici la Fortune avec les influences planétaires de l’astrologie judiciaire. Je ne sais pas si Schiller a jamais lu Dante ; mais, dans un de ses plus sublimes poèmes, il entreprend également la défense de la Fortune, dont il fait une partie du Beau.