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poumons et se termina fatalement. Mon esprit fut frappé de ce contraste : ici, mort soudaine, cadavre glacé ; là, jeunesse dans sa fleur, rang princier, fortune immense, espoir d’une brillante carrière, avenir heureux souriant par les yeux de Fanny. Ce contraste me remplit d’une terreur étrange. La mort paraît si près de nous lorsqu’elle frappe ceux que la vie flatte et caresse le plus ! D’où vient cette curieuse sympathie que nous ressentons tous pour ceux qui possèdent les grandeurs de ce monde, lorsque leur sablier se vide et que la faux les moissonne ? Si la fameuse entrevue de Diogène et d’Alexandre avait eu lieu, non pas avant, mais après les exploits qui valurent à Alexandre le nom de Grand, peut-être que le cynique n’aurait pas envié au héros ses plaisirs et ses splendeurs, ni les charmes de Statira, ni la tiare du Mède. Mais si, le lendemain, avait retenti ce cri : « Alexandre le Grand est mort ! » je crois, en vérité, que Diogène se serait replié dans le fond de son tonneau, et qu’il eût senti que le soleil qui ne serait plus intercepté par l’ombre de cet illustre héros avait perdu quelque chose de sa chaleur et de son éclat. Il existe, dans la nature de l’homme le plus humble ou le plus insensible, une idée vague de beauté ou de bonheur que, même dans les vains rêves de son enfance, son espoir et son désir ont cherché à s’approprier.


CHAPITRE VI.

« Pourquoi rester tout seul ici, cousin ? Quel froid et quel silence au milieu des tombeaux !

— Asseyez-vous à côté de moi, Blanche ; il ne fait pas plus froid dans le cimetière que sur la pelouse du village. »

Et Blanche s’assit à côté de moi, se serra contre mon cœur, et appuya la tête sur mon épaule. Nous gardâmes tous deux un long silence. C’était une de ces soirées claires et sereines du commencement du printemps. Les reflets roses s’effaçaient peu à peu d’un long banc de nuages gris foncé, étroits et fan-