Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais je diffère de mes compatriotes, d’abord en ne désirant que ce que, vous autres riches, vous appelleriez une petite fortune ; et ensuite en ce que je ne voudrais pas passer toute ma vie à faire cette fortune. Vous voyez donc à présent quelle est ma position.

Si je suis la routine commune, il faut que je commence par ôter à mon père une bonne part d’un revenu qui supporterait mal une réduction. D’après les calculs que j’ai faits, mes parents et mon oncle ont besoin de tout leur bien ; et la soustraction annuelle de la somme qui doit entretenir Pisistrate jusqu’à ce qu’il puisse vivre de son travail, serait autant d’arraché à leur modeste aisance. Si je retourne à Cambridge, quelque économiquement que je vive, il me faudra restreindre encore plus res angusta domi ; puis, lorsque j’aurai fini à Cambridge et que je serai lancé dans le monde, sans avoir pu, comme c’est assez probable, conquérir le grade de fellow, combien d’années faudra-t-il que je travaille, ou plutôt, hélas ! que je ne travaille pas au barreau (cette carrière, après tout, paraît être celle qui me convient le mieux), avant de pouvoir à mon tour entretenir ceux qui, jusque-là, se seront dépouillés pour moi ! Et quand j’arriverai à l’âge mûr, quand la marée de la fortune commencera à monter pour moi, alors viendront pour eux la vieillesse et les infirmités ! Je voudrais, si je puis gagner de l’argent, que ceux que j’aime le plus en jouissent avant qu’il soit trop tard ; que mon père voie, sur les rayons de sa bibliothèque, un exemplaire de l’Histoire des Erreurs humaines, bien complet et relié en cuir de Russie ; que ma mère goûte les innocents plaisirs qui font son bonheur, avant que l’âge ait terni l’éclat de son joyeux sourire ; que l’oncle Roland, avant que ses cheveux soient blancs comme la neige (hélas ! la neige s’amoncelle rapidement sur sa tête), s’appuie sur mon bras lorsque nous irons décider ensemble quelle partie des ruines il faut réparer, quelle partie il faut laisser aux hiboux, et quelle région des landes désolées doit se réjouir d’une moisson d’épis dorés. Car vous connaissez la nature des terres du Cumberland, vous qui en possédez tant, et qui avez conquis sur le désert tant d’acres fertiles ; vous savez que le domaine de mon oncle qui, une seule ferme exceptée, vaut à peine un schelling l’acre, n’a besoin que d’un capital pour devenir plus lucratif que ne le fut jamais celui de ses aïeux. Vous le savez, car vous