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avions toujours occupé un rang très-respectable parmi les voisins de notre maison rouge ; nous avions été aussi sociables que le permettaient les habitudes de mon père ; nous avions donné nos petits thés, et de temps à autre un dîner ; enfin, sans chercher à rivaliser avec des amis plus riches, nous avions toujours eu une propreté si exquise et une si bonne table, et ma mère avait si bien su tirer tout le parti possible des propriétés intrinsèques d’une pièce de six pence, qu’il n’était pas de vieille fille, à sept milles à la ronde, qui ne déclarât nos thés parfaits ; et la grande Mme Rollick, qui donnait quarante guinées par an à une femme de charge, cordon bleu renommé, ne manquait jamais, quand nous dînions à Rollick-Hall, d’interpeller hautement ma mère (que cela faisait rougir Jusqu’aux oreilles), pour la prier d’excuser sa gelée de fraises. Il est vrai que si, en revenant à la maison, ma mère faisait allusion à ce compliment flatteur et délicat, mon père, soit qu’il voulût ramener la vanité de Kitty à une humilité convenable et chrétienne, soit que cette étrange sagacité qui le distinguait lui eût fait deviner la vérité, faisait remarquer, d’un ton qui révélait la présomption du cœur humain, que Mme Rollick avait le caractère difficile et grondeur, et que ce compliment n’était pas destiné à faire plaisir à ma mère, mais à dépiter la femme de charge cordon bleu, à qui le sommelier le rapporterait sûrement.

En se fixant à la tour et se mettant à la tête de la maison, ma mère désirait naturellement, toute pauvre, invalide et ébranlée que fût la tour, qu’elle fît cependant sa meilleure mine. Quoique les environs fussent bien clair-semés de voisins, plusieurs cartes avaient été déposées à notre porte ; diverses invitations, que mon oncle avait jusqu’alors refusées, avaient salué son retour au manoir de ses ancêtres ; elles étaient même devenues plus nombreuses depuis que la nouvelle de notre arrivée s’était répandue : de sorte que ma mère voyait devant elle une très-bonne occasion d’exercer ses qualités hospitalières ; son ambition était que la tour portât la tête haute, ainsi qu’il convient à une tour qui loge le chef de la famille.

Mais il ne faut pas que je te fasse injure, ô chère mère ! assise là si belle en face du sévère capitaine, avec ton tablier aussi blanc, tes cheveux aussi coquettement lissés, et ton bonnet du matin à rubans bleus, aussi soigneusement arrangé que si tu