Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tentirent, la voix de Roland tonnante et sonore, celle d’Austin aiguë et perçante.

M. Squills se bouchait les oreilles. Ils en étaient arrivés à ce point que mon oncle, à bout d’arguments, s’écria avec colère : « Je jure que cela sera ! » et que mon père, ayant recours à la dernière ressource du pathétique, regarda l’oncle Roland avec des yeux suppliants, et dit d’une voix douce comme la miséricorde : « Vraiment, frère cela ne doit pas être. » Cependant l’aride parchemin se crispait, craquait et tremblait de tous les pores de sa jaune peau.

« Mais, dis-je, intervenant à propos comme la divinité d’Horace ; je ne vois pas qu’aucun de vous, messieurs, ait le droit de disposer de mes ancêtres. Il est évident que nul homme ne possède rien dans sa postérité. Sa postérité, elle, pourra la posséder ; mais du diable si ses arrière-petits-enfants ajoutent la moindre des choses à son bien-être.

Squills. — Écoutez, écoutez !

Pisistrate (s’échauffant). Mais les ancêtres d’un homme font positivement partie de sa propriété. Sans parler de ses arpents de terre, n’hérite-t-on pas souvent, d’un ancêtre éloigné de dix générations, sa constitution, son tempérament, ses manières, son caractère, sa nature ? Bien plus, sans cet ancêtre, serait-on jamais né ?… Un Squills vous aurait-il introduit dans le monde, ou une nourrice porté upo kolpo ?

Squills. — Écoutez, écoutez !

Pisistrate (avec une émotion pleine de dignité). — Aussi nul homme n’a le droit de dépouiller d’un trait de plume un autre homme d’un de ses ancêtres, ses motifs fussent-ils les plus bienveillants. Dans le cas présent, vous direz peut-être que l’ancêtre en question, imprimeur ou chevalier, est apocryphe. Soit ; mais, là où l’histoire est en défaut, vous déciderez-vous par pur sentiment ? Tant que le doute plane sur tous deux, mon imagination s’approprie l’un et l’autre. Je puis vénérer tantôt la science et l’industrie dans l’imprimeur, tantôt la valeur et le dévouement dans le chevalier. Ce doute heureux me donne deux grands ancêtres, et par eux deux séries d’idées qui, selon les circonstances, influent sur ma conduite. Je ne vous permettrai pas, capitaine Roland, de me ravir un de ces deux ancêtres, une de ces séries d’idées. Laissez donc béant ce vide sacré, ne le profanez pas. Acceptez ce compromis de