Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous offenser, je viens pour vous faire compliment de votre talent dramatique, et vous demander si vous avez des nouvelles récentes de votre jeune ami, M. Vivian.

— Vivian ?… je n’ai jamais entendu ce nom, monsieur. Vivian ! allons, vous cherchez à me mystifier ; excellent !

— Je vous assure, monsieur Peac…

— St… st… Comment diable avez-vous appris que je m’appelais autrefois Peac… c’est-à-dire qu’on m’appelait Peac… sobriquet familier, pas davantage… laissez-le de côté, monsieur, ou vous me mettrez dans une noble fureur !

— Bien, bien ; quelque nom qu’on lui donne, la rose a son parfum, comme le remarque judicieusement, cette fois au moins, le Cygne. Mais M. Vivian aussi paraît avoir d’autres noms à sa disposition. Je veux parler d’un bel homme, brun, un adolescent plutôt, en compagnie duquel je vous ai rencontré un matin sur la grand’route.

— Oh ! fit M. Peacock d’un air tout rassuré, je sais de qui vous parlez, quoique je ne me rappelle pas avoir jamais eu le plaisir de vous voir. Non, je n’ai pas de nouvelles récentes du jeune homme. Je voudrais savoir ce qu’il fait. C’était un gentilhomme dans mon genre. Le doux Will l’a peint trait pour trait ! Langue de courtisan, œil de savant, épée de soldat. Quelle adresse au billard ! Il aurait fallu le voir chercher cette bulle de savon qu’on appelle la réputation au bruit d’un carambolage ! Je puis dire, continua M. Peacock avec emphase, que c’était un véritable atout… oui, atout ! répéta-t-il en tressaillant, comme si ce mot l’avait piqué. Un atout ! c’était un carreau ! »

Puis, fixant les yeux sur moi, laissant tomber ses bras, entrelaçant ses doigts à la façon de Talma dans le fameux : Qu’en dis-tu ? il reprit d’une voix creuse, lente et distincte :

« Quand… l’avez-vous… vu, jeune… homme ? »

Voyant le jeu tourner contre moi, et ne voulant pas donner à M. Peacock un fil d’Ariane pour retrouver le pauvre Vivian qui semblait, à ma grande satisfaction, avoir planté là cette connaissance plus versatile qu’honorable, je parvins, au moyen de quelques phrases évasives, à tenir la curiosité de M. Peacock à distance, jusqu’à ce qu’on vint l’avertir en hâte de changer de costume pour le drame intime. C’est ainsi que nous nous quittâmes.