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travers les immenses et vertes solitudes de l’Australie ? Voilà ce qu’il faut à celui qui n’a pas de demeure dans Babylone, et dont la main comprime toujours un cœur consumé d’une lente douleur.

M. Squills m’entraîna le second soir à l’un des petits théâtres, et M. Squills s’amusa cordialement de tout ce qu’il vit, de tout ce qu’il entendit. Et pendant que je faisais des efforts de mâchoire convulsifs pour essayer de rire aussi, je reconnus soudain dans un des acteurs, qui jouait le rôle respectable d’un bedeau de paroisse, un visage que j’avais déjà vu auparavant. Cinq minutes après, j’avais disparu d’à côté de Squills, et j’étais au milieu d’un étrange monde, dans les coulisses.

Mon bedeau était beaucoup trop occupé et trop important pour m’offrir une occasion favorable de l’accoster avant la fin de la pièce. Je m’emparai alors de lui, tandis qu’il partageait amicalement un pot de porter avec un gentleman en culottes noires et en gilet brodé, qui devait jouer le rôle d’un père malheureux dans le drame intime en trois actes par lequel finissaient les plaisirs de la soirée.

« Excusez-moi, lui dis-je ; mais, comme dit très-justement le Cygne : Devrait-on oublier une vieille accointance ?

— Le Cygne, monsieur ! s’écria le bedeau effaré ; jamais le Cygne ne s’est avili par ce maudit jargon écossais.

— La Tweed a ses cygnes aussi bien que l’Avon, monsieur Peacock.

— St… st… chut… chut… ch-u-t ! » murmura le bedeau très-alarmé, en m’examinant d’un œil sauvage de dessous ses sourcils noircis. Puis me prenant par le bras il m’entraîna au loin.

Lorsqu’il fut arrivé aux extrêmes limites de cette petite scène, Peacock me dit :

« Monsieur, vous avez l’avantage sur moi ; je ne me souviens pas de vous. Ah ! vous n’avez pas besoin de me regarder ainsi ! Je ne suis pas, morbleu ! de ceux qui se laissent intimider… C’était tout franc jeu. Si vous voulez jouer avec des gentlemen, monsieur, il faut en subir les conséquences. »

Je m’empressai d’apaiser le digne homme.

« Vraiment, monsieur Peacock, ne vous rappelez-vous pas que j’ai refusé de jouer avec vous ? Et, bien loin de vouloir