Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsque j’y songe, quelle reconnaissance je devrais avoir pour son père et sa mère, qui lui ont donné le jour dans leur vieillesse ! car, s’il n’était pas né, je serais le plus malheureux des humains. Oui, positivement, cet horrible marquisat me serait tombé sur les bras ! Je ne pense jamais aux regrets d’Horace Walpole, lorsque le comté d’Orford lui revint, sans la plus profonde sympathie et sans frémir à l’idée de ce dont ma chère lady Castleton a eu la bonté de me sauver… grâce aux eaux d’Ems, car elle avait vingt ans de mariage !… Eh bien ! mon jeune ami, comment se porte tout le monde chez vous ? »

Lorsqu’un acteur célèbre n’est pas encore arrivé dans les coulisses, qu’il est occupé à changer de costume ou à se débarrasser de l’influence échauffante d’un verre d’extra, et que par conséquent la toile verte retarde indûment son ascension, vous voyez la première basse de l’orchestre se livrer charitablement à un prélude d’une prolixité étonnante, appelant à son secours les souvenirs de Lodoïska ou du Freischutz pour faire prendre patience au public, et donner au comédien le temps de passer son pantalon couleur de chair ou de se déguiser en Coriolan ou en Macbeth. De même sir Sedley avait fait ce long discours, qui n’exigeait aucune réponse, afin de laisser au pauvre Pisistrate Caxton le temps de se calmer. Puis voyant le moment venu, il me rappela sur la scène en me posant sa question finale. Il y a certainement une bonté exquise et une bienveillance prévenante dans cette qualité la plus rare de toutes, une parfaite éducation ; et lorsque, me retournant fortifié et résolu, je vis sir Sedley me regarder de ses yeux bleus pleins de douceur et de discrétion, tandis que, avec une grâce sans pareille depuis les jours de Pope, il ouvrait lentement sa tabatière pour y puiser une prise du fameux mélange Beaudésert, je me sentis le cœur aussi rempli de reconnaissance pour lui que s’il m’avait rendu quelque service colossal. Cette question finale : « Comment se porte tout le monde chez vous ? » me remit complètement et détourna pour le moment le cours amer de mes pensées.

Je répondis par un court exposé des embarras de mon père, en déguisant nos craintes et en parlant de cette affaire comme d’une cause d’ennui plutôt que comme d’une cause de ruine. Je finis en demandant à sir Sedley l’adresse de l’avocat de Trévanion.