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fut avec une certaine surprise que je l’entendis me le présenter comme son cousin. Je contemplai certainement avec intérêt ce jeune héritier d’un eldorado fabuleux, moi qui allais peut-être me trouver réduit à l’indigence.

Il était facile de voir que lord Castleton avait été élevé dans le sentiment de sa grandeur future et de la sérieuse responsabilité qui pèserait sur lui. Il était tout à fait au-dessus de ces affectations communes aux jeunes patriciens d’un rang inférieur. On ne lui avait pas appris à s’estimer d’après la coupe d’un habit ou la forme d’un chapeau. Son monde était bien au-dessus de celui de la rue Saint-James et des clubs. Il se mettait simplement, quoiqu’il eût un genre particulier : une cravate blanche (ce n’était pas alors chose aussi rare qu’aujourd’hui, pour le matin), un pantalon sans sous-pieds, des souliers minces et des guêtres. Dans ses manières il n’y avait rien de cette apathie pleine de présomption qui caractérise le dandy, quand on le présente à quelqu’un qu’il doute de pouvoir saluer de la fenêtre de White. Non, lord Castleton était exempt de cette fatuité vulgaire, et pourtant il était impossible de voir un jeune homme plus fat.

On lui avait dit, sans doute, qu’en sa qualité de chef d’une maison qui faisait presque à elle seule un parti dans l’État, il devait être bienveillant et poli avec tout le monde ; et cette obligation, entée sur une nature singulièrement froide et insociable, donnait à sa politesse quelque chose de si roide et qui sentait tellement la condescendance, que cela vous faisait monter le rouge au visage. Mais cette irritation momentanée était contre-balancée par un contraste presque ridicule entre cette gracieuse majesté de manières et la figure insignifiante et imberbe de l’adolescent.

Lord Castleton ne se contenta pas d’un simple salut, quand on nous présenta l’un à l’autre. À mon grand étonnement de le voir si bien informé, il me fit un petit discours à la Louis XIV, comme ce roi en adressait aux nobles de province. Ce discours était soigneusement calqué sur cette maxime de royale politesse, qui veut qu’un monarque soit un peu au fait de la naissance, de la parenté et de la famille du plus humble de ses gentilshommes. C’était un petit discours où se trouvaient adroitement mêlés le savoir de mon père, les services de mon oncle et les aimables qualités de votre humble serviteur ; le