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Finalement, mon père céda ; et Squills, triomphant, déclara qu’il allait souper avec moi, pour m’empêcher de rien manger qui pût tendre à ébranler sa confiance en mon système. Laissant ma mère avec son Austin, le bon chirurgien me prit le bras, et, dès que nous fûmes dans la chambre voisine, il ferma soigneusement la porte, s’essuya le front et dit :

« J’espère que nous l’avons sauvé !

— Cela aurait-il donc réellement fait tant de mal à mon père ?

— Tant de mal ! ah çà, jeune étourdi, ne voyez-vous pas qu’avec son ignorance des affaires toutes les fois qu’il s’agit de lui-même (quoique ni Rollick ni Cool n’aient un meilleur jugement lorsqu’il y va de l’intérêt d’autrui) et avec son maudit esprit d’honneur poussé à une exaltation digne de don Quichotte, il serait allé tout droit à M. Tibbets, en s’écriant : Combien devez-vous ? Voilà l’argent ! Ne voyez-vous pas qu’il aurait fait la même chose avec ces imprimeurs, et qu’il serait revenu sans une pièce de six pence ? Tandis que nous pourrons regarder froidement autour de nous, vous et moi, et réduire l’inflammation à son minimum.

— Je le vois, et je vous remercie de tout mon cœur, Squills.

— D’ailleurs, dit le chirurgien avec plus de sentiment, votre père a réellement fait un généreux effort sur lui-même. Il souffre plus que vous ne pourriez croire… Non pour lui (car je crois que, s’il était seul au monde, il se contenterait de cinquante livres de rente arrachées au naufrage, et de sa bibliothèque), mais pour votre mère et pour vous. Avec un nouvel accès d’émotion et l’anxiété nerveuse de ce voyage à Londres, il aurait pu avoir une attaque de paralysie ou d’épilepsie. Mais nous le tenons bien ici ; et ce que nous aurons de pire à lui annoncer sera meilleur que ce à quoi il s’est attendu. Pourquoi ne mangez-vous pas ?

— Manger ! le puis-je ? Mon pauvre père !

— Les effets du chagrin sur le système nerveux et sur les sucs gastriques sont très-remarquables, dit philosophiquement M. Squills en se servant une grillade ; le chagrin augmente la soif et ôte la faim. Non… ne touchez pas au porto ! il est échauffant !… Prenez du xérès avec de l’eau. »