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CHAPITRE II.

« Monsieur, continua Squills en coupant avec les dents le bout d’un cigare qu’il venait de tirer de sa poche, vous m’accordez que c’est pour une affaire très-importante que vous vous proposez d’aller à Londres.

— Sans doute.

— Or, il dépend de la santé du corps qu’une affaire soit bien ou mal faite ! s’écria M. Squills triomphant. Savez-vous, monsieur Caxton, que, tandis que vous semblez si calme et parlez si tranquillement, rien que pour encourager votre fils et tromper votre femme, savez-vous que votre pouls, qui compte naturellement un peu plus de soixante pulsations, en a présentement près de cent ? Savez-vous, monsieur, que vos membranes muqueuses sont dans un état de grande irritation, ainsi qu’on le voit par les papilles du bout de votre langue ? Et si, avec un pouls comme celui-là et une langue comme celle-ci, vous voulez régler des affaires d’argent avec des marchands rusés, tout ce que je puis dire, c’est que vous êtes un homme ruiné.

— Mais… commença mon père.

— Le squire Rollick, poursuivit M. Squills, le squire Rollick, la plus forte tête que je connaisse pour les affaires, le squire Rollick n’a-t-il pas vendu à trente pour cent de perte sa jolie petite ferme de Scranny-Holt ? Et pourquoi, monsieur ? Tout le comté en était stupéfait. Pourquoi ? Parce qu’il commençait à sentir l’attaque d’une jaunisse qui lui faisait voir en sombre la vie humaine et les intérêts de l’agriculture. D’autre part, l’avocat Cool, l’homme le plus prudent des Trois-Royaumes, l’avocat Cool, qui était si méthodique que toutes les horloges du comté se réglaient sur sa montre, ne s’est-il pas un beau matin jeté la tête en avant dans une folle spéculation pour cultiver les marais d’Irlande ? Durant les trois mois suivants, sa montre marcha de travers, ce qui fit avancer tout notre comté d’une heure sur le reste de l’Angleterre. Et personne ne sut quelle en était la cause, jusqu’à ce que, ayant été appelé,