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non pas sous les coups de ciseau, mais par le culte du sculpteur. Elle reste une statue muette pour celui qui ne se donne à elle que machinalement.

Un journal était chose rare chez l’oncle Roland. À Cambridge, les journaux avaient leur importance, même pour les lecteurs littéraires. On s’occupait beaucoup de politique, et j’étais à peine depuis trois jours à Cambridge, que j’entendis parler de Trévanion. Les journaux politiques avaient donc leurs charmes pour moi. Ce que mon patron avait prédit de lui-même semblait sur le point d’arriver. Il était fortement question de changement de cabinet ; le nom de Trévanion revenait toujours, loué ou critiqué ; tantôt porté bien haut, tantôt abaissé bien bas ; les journaux se le renvoyaient comme les raquettes se renvoient un volant. Cependant les changements n’avaient pas lieu et le cabinet restait le même.

Le Morning-Post a une colonne spéciale, où sont enregistrés, sous le titre de Fashionable intelligence, les événements grands et petits de la haute société. Je n’y trouvai pas un mot d’une nouvelle qui m’eût plus agité que la conquête ou la décadence d’un empire, à plus forte raison qu’un changement de ministère ; il n’y avait pas la moindre insinuation au sujet des fiançailles prochaines de la fille et unique héritière d’un membre riche et influent de la Chambre des Communes. Seulement, lorsque le journal énumérait les hôtes distingués qui avaient honoré ou embelli de leur présence la soirée de tel ou tel chef de parti, je sentais mon cœur défaillir si je lisais les noms de lady Ellinor et de Mlle Trévanion.

Mais parmi tous ces nombreux organes de la presse périodique, postérité reculée de l’illustre ancêtre dont je porte le nom (car je suis fidèle à la foi de mon père), je ne voyais pas le Times littéraire. Qu’est ce qui retardait donc ainsi l’épanouissement de ses feuilles ? Pas le plus petit follicule, sous forme de prospectus, n’était encore sorti de l’imprimerie. J’espérais secrètement que l’entreprise était abandonnée, et j’avais bien soin de n’en pas parler dans les lettres que j’écrivais à la maison, de crainte d’en ressusciter l’idée. Toutefois, à défaut du Times littéraire, il parut un nouveau journal quotidien, un long et maigre rejeton de la presse avec une grosse tête en guise de programme, qui durant trois semaines précéda tous les jours le premier article. Le corps de cette feuille nouvelle