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ruine ni délabrement ; cela, Trévanion ne l’eût jamais souffert ; mais il y avait partout la tristesse de l’absence. À l’aide de ma carte et d’une demi-couronne, je pénétrai dans la maison. Je vis ce boudoir mémorable, je crus trouver la place même où mon père avait entendu la sentence qui changea le cours de sa vie ; et, rentré chez mon oncle, je contemplai avec une nouvelle tendresse le front placide de mon père, je bénis de nouveau la douce compagne dont l’amour patient en avait chassé tous les nuages.

Quelques jours après notre arrivée, j’avais reçu une lettre de Vivian. Elle m’avait été envoyée de la maison de mon père, où je lui avais dit de m’adresser ses lettres. Elle était courte, mais respirait un air de bonheur. Il disait qu’il croyait avoir enfin rencontré la bonne voie, et qu’il s’y maintiendrait ; que lui et le monde étaient devenus meilleurs amis, et que le seul moyen de conserver l’amitié du monde, c’était de le traiter comme un tigre apprivoisé, c’est-à-dire une main sur la pince tandis que l’autre caresse la bête. Il m’envoyait, inclus dans la lettre, un billet de banque qui payait sa dette et même un peu au delà, me priant de lui rendre le surplus lorsqu’il me le réclamerait et qu’il serait devenu millionnaire. Il ne me donnait aucune adresse ; mais sa lettre portait le timbre de Godalming. J’eus la curiosité de consulter une vieille description du Surrey, et dans un supplément qui contenait un itinéraire, je trouvai ce passage : « À gauche de la forêt de hêtres qui est à trois milles de Godalming, on voit l’élégante résidence de Francis Vivian, Esquire. » À en juger par la date de l’ouvrage, ce Francis Vivian pouvait être le grand-père de mon ami, son homonyme. Il était impossible de conserver aucun doute sur la famille de cet enfant prodigue.

Les grandes vacances approchaient de leur fin, et le pauvre capitaine allait se voir abandonné de tous ses hôtes. Nous avions longuement abusé de son hospitalité, et il fut convenu que j’accompagnerais mon père et ma mère à leurs pénates, longtemps négligés, pour de là me diriger sur Cambridge.

Notre séparation fut douloureuse. Mme Primmins elle-même pleura en serrant la main à Bolt. Mais aussi ce vieux soldat de Bolt était un homme comme il en faut aux femmes. Les frères ne se contentèrent pas de se serrer la main ; ils s’embrassèrent tendrement, comme le font rarement aujourd’hui