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ma chambre, penitus ab orbe divisus, tout à fait séparé du monde, que j’entends frapper à ma porte. Tantôt c’est ma mère qui s’est mise à faire des rideaux pour toutes les fenêtres (bagatelle superflue que Bolt avait oubliée ou dédaignée), et qui a besoin de savoir comment sont arrangées les draperies chez M. Trévanion ; prétexte pour venir s’asseoir à côté de moi, et voir de ses propres yeux que je ne suis pas à pleurer ; du moment qu’elle entend que je m’enferme dans ma chambre, elle s’imagine que c’est par chagrin. Tantôt c’est Bolt, qui fait des rayons pour les livres de mon père et qui vient me consulter à tout moment, car je lui ai donné un modèle gothique qui lui plaît infiniment. Tantôt c’est Blanche à qui, dans une heure néfaste, j’ai entrepris d’apprendre le dessin ; elle entre sur la pointe des pieds, promettant de ne pas me déranger, et reste assise si tranquille, qu’elle me donne des crispations et me fait perdre patience. Tantôt, et le plus souvent, c’est le capitaine qui a besoin de moi pour faire une promenade, pour monter à cheval ou pour pêcher. Et par saint Hubert, patron des chasseurs ! voici le beau mois d’août ; il y a des coqs de bruyère dans ces campagnes stériles, et mon oncle m’a donné le fusil dont il se servait à mon âge : un fusil à un coup et à silex ! Mais ce fusil ne vous aurait pas fait rire, si vous aviez été témoin de l’adresse avec laquelle Roland s’en servait ; tandis que moi, je pouvais toujours rejeter la faute sur le silex. Ah ! le temps passait vite ; et si nous avions nos heures sombres, Roland et moi, nous les chassions bien loin avant qu’elles eussent pu se poser ; nous les tirions au vol dès qu’elles se montraient.

Et puis, quoique les environs immédiats du castel de mon oncle fussent déserts et désolés, un peu plus loin le pays était si rempli d’objets intéressants, de sites poétiques, grandioses ou gracieux, qu’à force de caresses nous obligions mon père à laisser là son Cardan et à passer des jours entiers sur le rivage de quelque beau lac.

Entre autres excursions, j’en fis une tout seul aux lieux où mon père avait connu le bonheur et les angoisses de ce premier amour dont mon cœur portait encore les cicatrices. La maison, vaste et imposante, était fermée. Il y avait plusieurs années que Trévanion n’y était venu. Les jardins d’agrément avaient été réduits au plus petit espace possible. Ce n’était pas positivement