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Et au-dessus de la cheminée, voyez l’épée de Roland qu’on nettoie tous les jours ; aussi comme elle est propre et brillante ! Voyez ses fontes et ses pistolets, et même la selle trouée de balles et lacérée, de laquelle il tomba lorsque sa jambe… Je soupirai, j’avais deviné tout cela d’un regard, et je me glissai doucement du côté de la cheminée. Si Roland n’avait pas été là, j’aurais baisé cette épée aussi pieusement que celle de Bayard ou de Sydney.

Mon oncle était trop modeste pour deviner mon émotion ; il crut plutôt que j’avais détourné la tête pour cacher le sourire qu’excitait sa vanité, et me dit en manière d’excuse et d’un ton presque suppliant :

« C’est Bolt qui a fait tout cela, le drôle de corps ! »


CHAPITRE IV.

Notre hôte nous traita avec une magnificence qui différait remarquablement de ses habitudes d’économie lorsqu’il était à Londres. Sans doute c’était Bolt qui avait pris le grand brochet, premier plat du festin ; c’était Bolt aussi qui avait élevé ab ovo ces superbes poulets ; c’était Bolt encore qui avait fait cette excellente omelette à l’espagnole ; et, quant au reste, il y avait les produits du parc à moutons et du jardin, auxiliaires volontaires, bien différents des recrues mercenaires par lesquelles le boucher et la fruitière de Londres, ces condottieri métropolitains, précipitent la ruine de la triste république des petits rentiers.

La soirée se passa joyeusement, et Roland, contrairement à sa coutume, fut celui qui parla le plus. Onze heures sonnèrent avant que Bolt parût avec sa lanterne pour me conduire, à travers la cour, jusqu’à ma chambre à coucher située au milieu des ruines, cérémonie qu’il voulut absolument répéter tous les soirs, que la nuit fût sombre ou qu’il fît clair de lune.

Je fus longtemps sans pouvoir m’endormir, et je ne pouvais