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« Et pourtant, dit mon père, après cette aspiration pleine de reconnaissance et d’affection, et pourtant, il faut avouer qu’il est impossible de voir un pays plus laid en dehors du Cambridge-shire[1].

— Non, répliquai-je, ce pays a une beauté particulière, hardie et grandiose. Ces routes à perte de vue, ondulées, sauvages, sans arbres, ont le charme du désert et de la solitude. Et comme elles s’accordent bien avec le caractère de cette ruine ! Tout est féodal ici, et à présent je comprends mieux Roland.

— J’espère que le ciel ne permettra pas qu’il arrive malheur à Cardan ! s’écria mon père ; il est très-bien relié ; et il s’adaptait si merveilleusement à la partie la plus charnue de cette remuante Primmins ! »

Cependant Blanche s’était mise à courir devant nous, et je la suivais de près. On voyait encore les restes de cette profonde tranchée qui était la fortification favorite de toutes les tribus teutoniques. Elle entourait les ruines de trois côtés ; le quatrième était fermé par une colline escarpée. Une chaussée, élevée sur des arceaux, remplaçait le pont-levis, et la porte extérieure n’était plus qu’une ruine pittoresque. Lorsqu’on entrait dans la cour du bailliage, la vieille esplanade du château, du haut de laquelle on avait rendu la justice, était en pleine vue, s’élevant au-dessus des murs écroulés et en partie couverts de ronces qui l’entouraient. La grande tour, ou donjon, était comparativement intacte ; et sur le seuil du portail se dessinait la silhouette du vétéran, seigneur de ces lieux.

Ses ancêtres auraient pu nous recevoir avec plus de magnificence, mais certes pas avec plus de cordialité. Le fait est que, dans son domaine, Roland semblait un autre homme. Sa roideur, un peu répulsive pour ceux qui ne le comprenaient pas, avait entièrement disparu. Il paraissait moins fier, précisément parce que, sur ce terrain, sa fierté et lui étaient parfaitement d’accord. Avec quelle galanterie il tendit, non pas le

  1. Cela ne peut certainement pas se dire du Cumberland en général, qui est un des plus beaux comtés de la Grande-Bretagne. Mats le district particulier auquel se rapporte l’exclamation de M. Caxton est, sinon laid, du moins sauvage, âpre et nu. (Note de l’auteur.)