Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main matin il fit son apparition accoutumée, et il me sembla même plus joyeux que je ne l’avais connu jusqu’alors, soit qu’il jouât un rôle, soit que ses pires craintes fussent passées et que la tombe fût moins cruelle que l’incertitude. Le jour suivant, nous nous mîmes tous en route pour le Cumberland.

Dans l’intervalle, l’oncle Jack avait été presque constamment à la maison, et, pour lui rendre justice, il avait paru sincèrement affligé du malheur de Roland. L’oncle Jack ne manquait pas de cœur ; mais ce cœur était difficile à trouver, si, pour y arriver, vous preniez un détour qui passait par ses poches.

Le digne spéculateur avait beaucoup d’affaires à terminer avec mon père avant notre départ. La Société anti-éditoriale avait été fondée, et c’était grâce à cette association fraternelle que le grand ouvrage devait venir au monde. Le nouveau journal, le Times littéraire, était aussi très-avancé. Il n’avait pas encore paru ; mais mon père y était très-intéressé. On avait fait pour son début d’immenses préparatifs, et deux ou trois messieurs en noir, dont l’un ressemblait à un homme de loi, le second à un imprimeur, et le troisième à un juif, vinrent deux fois avec des papiers d’un aspect formidable. Tous ces préliminaires arrangés, la dernière chose que j’entendis dire à l’oncle Jack, en tapant sur le dos de mon père, fut :

« Votre gloire et votre fortune sont faites à présent ! Vous pouvez dormir en sûreté, car vous me laissez bien éveillé. Jack Tibbets ne dort jamais ! »

J’avais trouvé étrange que, depuis mon brusque départ de l’hôtel de Trévanion, ni lui ni lady Ellinor n’eussent paru penser à aucun de nous. Mais la veille même de notre départ, arriva pour moi un billet de Trévanion, daté de sa campagne favorite, et accompagné d’un présent de livres rares pour mon père. Il disait, en quelques mots, qu’on avait été malade dans sa famille, ce qui l’avait obligé de quitter Londres pour changer d’air, mais que lady Ellinor espérait rendre visite à ma mère la semaine prochaine. Il avait trouvé parmi ses livres quelques ouvrages curieux du moyen âge, et entre autres un Cardan complet, qu’il savait que mon père désirait avoir, et qu’il lui envoyait. Du reste, aucune allusion à ce qui s’était passé entre nous.