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CHAPITRE II.

Lorsque je rentrai, c’est-à-dire au moment où l’on se mettait à table pour le dîner, Roland n’était pas de retour, et il ne revint que tard dans la soirée. Quand nous nous levâmes tous pour lui faire accueil, nos regards l’examinèrent curieusement ; mais son visage était comme un masque… froid, rigide, mystérieux.

Il referma soigneusement la porte derrière lui, s’approcha de la cheminée, et s’appuya contre elle, debout et calme ; puis, après quelques instants, il demanda :

« Blanche est-elle couchée ?

— Oui, répondit ma mère ; mais je suis sûre qu’elle ne dort pas. Elle m’a fait promettre de l’avertir de votre retour. »

Le front de Roland s’éclaircit.

« Demain, sœur, reprit-il lentement, vous chargerez-vous de lui faire faire une robe de deuil convenable ?… Mon fils est mort.

— Mort ! nous écriâmes-nous tous d’une voix, en l’entourant aussitôt. Mort ! impossible. Vous ne le pourriez dire avec tant de calme. Mort ! Comment le savez-vous ? On peut vous tromper… Qui vous l’a dit ? Qui vous le fait croire ?

— J’ai vu sa dépouille mortelle, répondit mon oncle avec le même calme lugubre. Nous porterons tous son deuil. Pisistrate, vous voilà maintenant l’héritier de mon nom, aussi bien que de celui de votre père… Bonne nuit ! Excusez-moi, vous tous qui m’êtes si chers et qui m’aimez ; je suis épuisé de fatigue. »

Roland alluma sa bougie et s’éloigna, nous laissant comme foudroyés. Mais il rentra… jeta un coup d’œil autour de la chambre… prit son livre, ouvert à son passage favori… nous salua de la tête, et disparut. Nous nous regardâmes comme si nous avions vu un fantôme. Ensuite mon père se leva, sortit, et resta dans la chambre de Roland presque jusqu’au jour. Nous restâmes levés, ma mère et moi, jusqu’à son retour. Sa physionomie si douce était profondément triste.