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La servante qui avait ouvert la porte avait sans doute informé Vivian de ma visite, car il ne parut pas surpris de me voir ; mais il jeta autour de la chambre ce regard précipité et soupçonneux d’un homme qui a laissé ses papiers dehors, et qui trouve assis au milieu de ses secrets sans défense quelque oisif dont la discrétion ne lui inspire pas une grande confiance. Ce regard n’était pas flatteur pour moi ; mais ma conscience était si exempte de tout reproche, que je rejetai tout blâme sur le caractère soupçonneux de Vivian.

« Il y a trois heures au moins que je suis ici, dis-je malicieusement.

— Trois heures ! et le même regard parcourut la chambre.

— Et voici le pire secret que j’aie découvert. Je lui montrais du doigt ces Manichéens de la littérature.

— Ah ! dit-il avec insouciance, des romans français ! Je ne m’étonne pas que vous soyez resté si longtemps. Il m’est impossible de lire vos romans anglais ; je les trouve plats et insipides. Dans ceux-ci il y a la vérité et la vie !

— La vérité et la vie ! m’écriai-je tandis que mes cheveux se dressaient d’étonnement sur ma tête. Hourra donc pour le mensonge et la mort !

— Ils ne vous plaisent pas ! On ne peut pas disputer des goûts.

— Je vous demande pardon ; je trouve que votre goût est mauvais, si vous prenez réellement pour la vérité ces monstres hideux et infâmes. Pour l’amour du ciel, mon cher ami, ne pensez pas qu’en Angleterre un homme pût arriver ailleurs qu’à Old-Bailey ou Norfolk-Island, s’il réglait sa conduite d’après des idées aussi extraordinairement fausses que celles que je trouve ici.

— De combien d’années êtes-vous plus vieux que moi, demanda Vivian avec ironie, que vous jouiez ainsi le mentor et corrigiez mon ignorance du monde ?

— Vivian, ce n’est pas l’âge ni l’expérience qui parlent ici, c’est quelque chose de plus sage qu’eux : l’instinct du cœur et l’honneur d’un gentilhomme.

— Bien, bien, dit Vivian un peu troublé, laissez ces pauvres livres ; vous savez mon opinion : les livres n’exercent jamais une grande influence sur nous.

— Par la grande bibliothèque égyptienne et l’âme de Dio-