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moitié pratique. Homère, tantôt perdu au milieu des divinités, tantôt occupé des détails les plus minutieux de la vie domestique, Homère est le vrai poète de circonstance, ainsi que Gray l’a finement surnommé ; et il a assez d’imagination pour séduire et flatter le plus borné des hommes, et pour lui faire oublier quelque temps cette place du pupitre que peut couvrir le livre de son banquier. Il y a encore Virgile, bien au-dessous d’Homère, il est vrai,

… Virgile le sage,
Dont le vers monte haut, mais ne saurait voler,

comme dit Cowley. Cependant Virgile a encore assez de génie pour avoir en lui les deux hommes, pour vous conduire aux champs, où non-seulement vous entendez le chalumeau des bergers et le bourdonnement des abeilles, mais où vous apprenez encore à tirer le meilleur profit de la terre et de la vigne. Il y a Horace, un charmant homme du monde, qui pleurera avec vous la perte de votre fortune, qui ne dépréciera jamais les douces jouissances de la vie, mais qui vous montrera cependant que l’homme peut être heureux avec un vile modicum ou des parva rura. Il y a Shakspeare qui, plus que tous les autres poètes, a cette dualité mystérieuse du sens commun et de l’imagination la plus sublime. Il y en a une foule d’autres qu’il serait inutile de nommer, et qui, si vous vous adressez doucement et tranquillement à eux, ne vous diront pas, comme un déraisonnable stoïcien, que vous n’avez rien perdu, mais vous feront sortir insensiblement de ce monde, de ses épreuves et de ses adversités, et vous auront entraînés dans un autre monde avant que vous sachiez où vous êtes… dans un monde où vous serez le bienvenu, quoique de vos arpents perdus vous n’emportiez pas plus de terre que ce qui aura pu s’en attacher à la semelle de vos souliers.

« Pour les hypocondriaques et les hommes rassasiés de tout, est-il rien de mieux qu’un gai voyage, surtout un de ces voyages primitifs, merveilleux, semés de légendes et qui vous font traverser des pays inconnus ? Comme ils délassent l’esprit ! Comme ils vous arrachent au train de vie monotone où vous êtes enseveli ! Regardez, avec Hérodote, la jeune Grèce naissant à la vie, ou le vieil Orient s’écroulant déjà en ruines gigantesques. Ou bien suivez Carpini et Rubruquis en Tartarie ; vous rencontrerez avec eux les chariots de Zagathai