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les yeux, j’aperçus lady Ellinor et Mlle Trévanion qui descendaient de leur équipage pour entrer à l’Opéra. Elles me reconnurent, et Fanny me dit :

« Vous voici ! quel bonheur ! Il faut venir nous voir dans notre loge, ne fût-ce qu’un instant.

— Mais je ne suis pas habillé pour l’Opéra, répondis-je avec embarras.

— Et pourquoi pas ? » demanda Mlle Trévanion. Puis, baissant la voix, elle ajouta : « Pourquoi nous délaisser aussi obstinément ? »

Elle s’appuya sur mon bras, et je fus irrésistiblement entraîné dans le foyer. Les jeunes flâneurs nous firent place et me regardèrent sans doute avec envie.

« Mais vous oubliez, dis-je en affectant de rire, lorsque je vis que Mlle Trévanion attendait ma réponse, vous oubliez combien peu j’ai de temps à présent pour de pareils divertissements… et mon oncle…

— Oh ! nous sommes allées le voir aujourd’hui, maman et moi, et il est presque tout à fait rétabli… n’est-ce pas, maman ? Je ne puis vous dire combien je l’aime et je l’admire. Il est juste tel que je me figure un Douglas des anciens jours. Mais maman s’impatiente. Eh bien, il faut venir dîner avec nous demain… promettez-le-moi ! Je ne vous dis pas adieu, mais au revoir. »

Et Fanny reprit le bras de sa mère. Lady Ellinor, toujours bonne et aimable pour moi, avait eu la bonté d’attendre la fin de ce dialogue, ou plutôt de ce monologue.

En rentrant dans le corridor, je trouvai Vivian qui l’arpentait du haut en bas. Il avait allumé son cigare et fumait vigoureusement.

« Ainsi cette riche héritière, dit-il en souriant, qui, d’après ce que j’ai pu entrevoir sous son capuchon, ne paraît pas moins belle que riche, est la fille, je présume, du M. Trévanion dont vous avez la bonté de me soumettre les effusions ! Il est donc très-riche ? Vous ne me l’avez jamais dit, mais j’aurais dû le savoir. Vous voyez que je ne sais rien de votre beau monde… pas même que Mlle Trévanion est une des plus riches héritières d’Angleterre.

— Oui, M. Trévanion est riche, dis-je en étouffant un soupir ; très-riche !