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tenant encore, au souvenir de mes souffrances. Ma santé s’altéra sérieusement ; je redoutais également les épreuves du jour et les angoisses de la nuit.

Je n’avais d’autres distractions que mes visites à Vivian, et les heureux moments que je passais dans le cercle de ma famille. Ma famille fut ma sauvegarde et ma préservation dans cette crise de ma vie. Son atmosphère d’honneur sans prétention et de vertu sereine fortifiait toutes mes résolutions ; elle m’armait pour les luttes que j’avais à soutenir contre la passion la plus violente de la jeunesse, et neutralisait les vapeurs méphitiques de l’atmosphère au milieu de laquelle vivait et s’agitait l’esprit gâté de Vivian. Sans l’influence d’une famille pareille, si j’avais réussi à me conduire comme la probité l’exigeait envers ceux dont j’étais l’hôte et qui avaient mis en moi leur confiance, je ne crois pas que j’eusse pu résister à la contagion de cette amertume haineuse, méchante et morbide, contre le sort et contre le monde, que l’amour contrarié par la fortune est trop porté à concevoir, et que Vivian exprimait avec cette éloquence qui appartient à la conviction, à la foi en une chose vraie ou fausse. Mais je ne sortais jamais de la petite chambre où je voyais et la magnanime douleur du vétéran, dont les lèvres souvent frémissantes ne laissaient jamais échapper un murmure, et la tranquille sagesse qui, chez mon père, avait succédé à des épreuves semblables aux miennes, et le sourire aimable de ma tendre mère, et l’innocente enfance de Blanche (nom sous lequel la fée, que déjà j’aimais comme une sœur, s’était familiarisée avec nous), sans reconnaître que ces quatre murs renfermaient de quoi adoucir le monde, son immense coupe fût-elle remplie jusqu’aux bords de fiel et d’hysope.

Trévanion avait été plus que satisfait du travail de Vivian, il en avait été frappé : car, quoiqu’il n’eût fait que de rares corrections de style, certains mots avaient été remplacés par d’autres qui faisaient mieux valoir les idées ; et, outre cette notable rectification d’une erreur de calcul, que l’esprit de Trévanion appréciait plus que tout autre, Vivian avait hasardé, en marge, de courtes notes qui suggéraient quelque anneau plus solide, dans la chaîne du raisonnement, ou indiquaient la nécessité de quelque nouvelle preuve à l’appui d’une assertion. Et tout cela était le fruit de la logique simple et nue d’un