Page:Bulwer-Lytton - Aventures de Pisistrate Caxton.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’avoue que je suis à peu près dans l’embarras de cet aimable et divertissant insecte. Je m’en suis assez bien tiré tant que je n’ai eu à m’occuper que de ma mouche domestique. Mais maintenant que je vois s’agiter quelque chose à tous les coins de mon filet, et surtout depuis l’arrivée de cette jeune guêpe à la tête ardente qui s’irrite et bourdonne à l’angle le plus voisin, je ne sais vraiment plus à qui m’attaquer d’abord. Hélas ! je n’ai pas, comme l’araignée, un antre où me cacher, et je ne puis laisser la toile faire l’œuvre du tisserand. Cependant je vais, autant que possible, imiter l’araignée ; et tandis que les autres s’agitent et bourdonnent impatients, je les laisse faire et me retire dans le labyrinthe de ma vie intime.

La maladie de mon oncle et le renouvellement de ma liaison avec Vivian avaient naturellement suffi à détourner mes pensées de l’amour inconsidéré que j’avais conçu pour Fanny Trévanion. Pendant l’absence de la famille (absence qui dura un peu plus longtemps qu’on ne s’y attendait), j’eus le loisir de me rappeler la touchante histoire de mon père et la morale qu’elle m’avait prêchée si à propos, et je formai tant de bonnes résolutions que ma main ne trembla pas en serrant celle de Mlle Trévanion à son retour à Londres, et que j’évitai assez courageusement le charme fatal de sa société. La lenteur de la convalescence de mon oncle me fournit une excuse raisonnable pour discontinuer nos promenades à cheval. Le temps que Trévanion me laissait, il était naturel que je le passasse auprès de ma famille. Je n’allais plus à aucun bal, à aucune soirée. Je m’absentais même des dîners que Trévanion donnait périodiquement. Mlle Trévanion me railla d’abord de ma vie retirée, avec la spirituelle malice qui lui était ordinaire. Mais je supportai courageusement mon martyre. Je pris garde de ne pas laisser échapper un regard de reproche contre cette gaieté qui me déchirait le cœur, de peur de trahir ainsi mon secret. Alors Fanny parut piquée, dédaigneuse ; elle évita même d’entrer dans le cabinet de son père. Puis tout à coup elle changea de tactique et fut saisie d’un étrange désir de savoir, qui l’amenait dix fois par jour dans ce cabinet pour chercher un livre ou faire une question. J’étais à l’épreuve de tout ; mais, à dire vrai, j’étais profondément malheureux. Quand je regarde dans le passé, je suis effrayé, main-